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Lettre ouverte aux têtes de liste des principaux partis

Lettre ouverte aux têtes de liste des principaux partis

En guise d’éditorial de Jean-Claude Mailly
mercredi 21 mai 2014
par  Jean-Claude Mailly

Paris, le 6 mai 2014

Madame, Monsieur,

À l’approche des élections européennes, tout en restant dans notre rôle de liberté et d’indépendance
conduisant notamment à ne pas donner de consignes de vote aux citoyens, nous tenons à rappeler
certains éléments qui nous apparaissent fondamentaux au regard de la question européenne.

Depuis ses origines, Force Ouvrière a marqué son attachement à l’idée européenne, synonyme de paix
et de progrès social et économique. Aujourd’hui, force est de constater que l’Europe est fréquemment
perçue pour les travailleurs comme un danger, une opportunité de remise en cause des droits sociaux
et un facteur de sanctions.

Cela est dû à plusieurs éléments :

- L’absence de débats dans notre pays sur la nature de la construction européenne, la nature réelle
   des transferts consentis ou acceptés des compétences sur le fonctionnement démocratique des institutions.

- La tendance à rendre « Bruxelles » responsable de tous les maux, alors que ce sont bien les pouvoirs
   publics nationaux (gouvernement et Parlement) qui ont validé ou accepté les différents traités
   dont le dernier en date, le TSCG, qui s’inscrit dans une logique économique mécanique et dogmatique,
   les rigidités économiques devant imposer les flexibilités sociales.


- Nous soulignons ainsi la conception économique libérale, voire anglo-saxonne de la construction européenne
   et l’influence dans cette logique de l’actuelle Commission européenne.

Globalement, au terme des traités successifs, nous avons aussi affaire à une Europe privilégiant
ainsi la soi-disant libre concurrence issue des manuels d’économie néoclassique, au détriment de la liberté
de négociation et des droits sociaux. Si l’Europe est devenue impopulaire, c’est parce qu’elle promeut
des politiques restrictives qui participent à la déréglementation des droits sociaux et à la montée des inégalités.

Le déclenchement de la crise des dettes souveraines en Grèce fin 2010 a marqué un virage important,
à la fois pour les économies européennes et pour les institutions qui les encadrent. Alors que les économies
commençaient à peine à se redresser après la crise financière, cette nouvelle phase de la crise, qui a touché
spécifiquement la zone euro, a motivé chez les dirigeants européens, dans la logique du pacte budgétaire,
le parti pris systématique de l’austérité. Ces politiques sont toujours à l’œuvre, appliquées méthodiquement
et simultanément dans tous les pays européens, avec des conséquences économiques et sociales dramatiques.

En contraignant à l’adoption de réformes structurelles visant à renforcer, par exemple, la compétitivité
ou la flexibilité du marché du travail, ce nouveau cadre de gouvernance économique entérine le ralliement
de l’Europe au néolibéralisme économique le plus dogmatique. C’est une véritable Europe des sanctions
qui se met en place, aux antipodes de la conception sociale et démocratique d’une Europe de progrès.


Partout, les coupes budgétaires affectent les droits des travailleurs et la situation des plus vulnérables,
l’ensemble de la protection sociale et les systèmes de négociation collective sont affaiblis. Il s’agit
d’une opération systématique de démantèlement des modèles sociaux qui jusqu’ici avaient permis
de contenir les inégalités sociales en Europe. De fait, les autorités publiques ont battu en retraite
devant les marchés financiers.

Force Ouvrière a combattu activement les mesures d’austérité tout en revendiquant une politique
de relance économique fondée sur la consommation, l’investissement, la création d’emplois
et l’augmentation des salaires.
L’action de Force Ouvrière en France et au sein de la Confédération européenne des syndicats (CES)
a été constamment d’alerter sur la dégradation de la situation sociale et de revendiquer
une véritable Europe du progrès social.

Construire l’Europe sociale et rejeter l’austérité, telle est donc la priorité de Force Ouvrière à la veille
de ces élections européennes. Nous soutenons une réorientation de l’Union européenne
et la construction d’une véritable Europe sociale disposant d’outils ambitieux pour mettre l’économique
au service du social, ce qui passe dans l’immédiat par des droits sociaux hissés au niveau des libertés économiques
et l’autonomie des négociations collectives.

- Pour sortir du cercle vicieux austérité/récession et remettre l’UE sur le chemin de la croissance et de la prospérité,
   la CES a proposé la mise en œuvre d’un plan de relance et d’investissement ambitieux au niveau européen,
   pour une croissance durable et des emplois de qualité. Ce plan, qui vise un montant d’investissement
   annuel de 2% du PIB européen, viendrait s’ajouter aux projets d’investissement nationaux. Ces investissements
   visent à la fois l’industrie et les services, la production d’énergie, une réduction de la dépendance énergétique
   et la réduction des émissions de gaz à effet de serre. La formation et l’éducation, la recherche-développement,
   les infrastructures de transport, le logement, les services publics, la réindustrialisation de l’UE sont des domaines
   dans lesquels les investissements sont essentiels pour changer de cap et créer des emplois.

- La garantie que les libertés économiques ne peuvent avoir la priorité sur les droits sociaux fondamentaux.
   L’UE n’est pas seulement un projet économique, son principal objectif doit être l’amélioration
   des conditions de vie et de travail des populations. La notion fondamentale de progrès sociaux doit être confirmée
   à travers un « protocole de progrès social », joint aux traités.

- Le constat d’inexistence d’une véritable Europe sociale se vérifie aisément lorsque l’on
   observe les écarts entre les niveaux de salaire dans les différents pays de l’UE. C’est pourquoi la revendication
   d’un salaire minimum européen, fixé à un niveau suffisant, dans le respect des pratiques nationales de négociation
   et de dialogue social, permettrait de concrétiser l’idée d’une Europe sociale ; une revendication nécessaire.
   Il s’agit de promouvoir une certaine conception de la valeur du travail et de la dignité du travailleur
   qui doit lui permettre d’assurer son existence autonome. Ce serait également un instrument de lutte
   contre les pratiques de dumping social et en faveur d’une plus grande harmonisation des conditions de travail.

- Des services publics de qualité accessibles à tous, comme prévu dans la Charte des droits fondamentaux.

- La démocratie en Europe doit être préservée et renforcée. Sous le prétexte de la crise, des initiatives
   antidémocratiques ont été mises en œuvre. La Troïka a ainsi imposé des mesures d’austérité particulièrement violentes
   dans plusieurs pays européens, sans aucun mandat inscrit dans la législation européenne.
   La « nouvelle gouvernance économique » a multiplié les dispositions contribuant à éloigner encore plus les institutions
   européennes de tout contrôle démocratique. L’absence de transparence sur le mandat confié par les États membres
   à la Commission pour mener la négociation sur le Traité transatlantique est révélatrice et inadmissible.
   L’UE et les États membres doivent scrupuleusement respecter et faire respecter les conventions de l’OIT
   et les normes fondamentales du travail.

De fait, la réorientation que nous revendiquons appelle une renégociation des différents traités, notamment depuis celui de Maastricht.

Fidèle à sa tradition d’indépendance, Force Ouvrière ne donnera aucune consigne de vote pour ce scrutin
et continuera à appeler les salariés à rejeter l’austérité et à faire progresser l’Europe sociale.


Jean-Claude Mailly
Secrétaire général