Section F.O.-DGFiP de l’ESSONNE
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Jean-Claude
Mailly :
«
La concertation
sur la réforme du code du travail va dans le bon sens »
Le
projet de loi d’habilitation permettant la réforme est présenté ce
matin en
conseil des ministres. Le secrétaire général de FO
salue une « vraie concertation ».
Le projet de
loi d’habilitation permettant au gouvernement de réformer par
ordonnances
le code du travail est présenté, mercredi 28 juin, en
conseil des
ministres. Dans un entretien au Monde,
Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force ouvrière, juge que la
concertation « va
dans le bon sens ».
Sur la réforme du code du travail s’agit-il d’une « concertation intense », comme l’a promis le premier ministre, Edouard Philippe, ou est-ce juste pour la galerie ?
On
est dans un processus de concertation intense. Dans une consultation
pour la
forme, on vous dit ce qu’on va faire et si vous n’êtes pas d’accord on
le fait
quand même. Une vraie concertation obéit à deux règles : il faut tout
mettre
sur la table et ne pas être seulement écouté mais entendu. Pour le
moment, on a
un seul texte écrit, c’est la feuille de route. Avec le ministère du
travail,
on a des discussions sur le fond. On se teste réciproquement. Tous les
sujets
sont sur la table et il n’y a pas de faux- fuyants. Je ne suis ni naïf
ni
suspicieux. Je ne fais pas de procès d’intention. A ce stade, il ne
s’agit pas
d’une concertation inutile.
Avec des vraies
marges de manœuvre ? Oui.
Au moins oralement, des choses ont déjà bougé. Pendant la campagne, on
avait
des déclarations donnant la primauté à l’entreprise. Aujourd’hui, cela
va dans
le bon sens, et la branche reprend de la vigueur. Mais, à la fin, on ne
sait
pas où le curseur tombera. Le projet de loi d’habilitation, c’est un
menu. Vous
ne pouvez pas choisir un plat en dehors du menu mais vous n’êtes pas
obligé de
prendre tout ce qu’il propose. Après il y aura le texte des ordonnances
en tant
que tel. C’est le document le plus important pour nous et j’ai demandé
une
vraie concertation sur son contenu.
Ce
projet de loi vous laisse-t-il du grain à moudre ? Oui.
Ce projet n’est pas la fin de l’histoire. C’est une étape et la
concertation va
se poursuivre, y compris au mois d’août, sur le contenu des ordonnances.
FO
n’est pas sur la ligne de la CGT qui dit que la
concertation est une «
mascarade » pour « casser le code du travail » ? Non.
Je dis, comme les paysans, c’est à la fin du marché qu’on compte les
bouses. On
verra au terme de la concertation. Tout est possible. Mais à partir du
moment
où on discute sur le fond, je ne vois pas pourquoi on quitterait la
table. Si
nous avons le sentiment d’être dupés, nous le dirons. C’est une
différence avec
la loi El Khomri, où la concertation avait été bâclée. A chaque fois
qu’on
faisait des contre-propositions, elles allaient à la poubelle.
Vous
travaillez avec la CFDT ? Tous
les
syndicats se parlent.
La CGT est un peu
hors jeu… Peut-être
mais on se parle quand même. Je parle aux quatre autres secrétaires
généraux et
présidents et réciproquement. Cela nous donne une force. Aujourd’hui,
tous les
syndicats ont réaffirmé l’importance de la branche et leur opposition à
un
référendum à l’initiative de l’employeur. Nous avons quelques lignes
rouges
communes.
Le
premier ministre ne veut pas d’interlocuteur syndical privilégié. C’est
du
pipeau ? Ce n’est pas du pipeau et c’est bien leur démarche. J’ai toujours considéré qu’un gouvernement, quel qu’il soit, a tout intérêt à discuter avec les syndicats d’une manière générale, sans avoir d’interlocuteur privilégié. Il l’a dit et ça fonctionne.
Le
Medef ne va-t-il pas voir s’éloigner le « tout à l’entreprise » qu’il
espérait
? Si le
Medef
pense cela, c’est que ça va dans le bon sens.
Sur
la place réservée aux branches, est-ce que les intentions du
gouvernement sont
en phase avec vos attentes ? A
l’heure actuelle, six thèmes relèvent obligatoirement des branches :
les minima
salariaux, la prévoyance, les classifications professionnelles, la
mutualisation des fonds de la formation professionnelle, l’égalité
professionnelle et la pénibilité. Nous demandons qu’ils soient
préservés et que
d’autres y soient ajoutés – par exemple, la gestion prévisionnelle des
emplois
et des compétences, l’idée étant que les branches définissent une sorte
de
cahier des charges indiquant aux entreprises ce sur quoi elles doivent
négocier, en la matière. La branche doit, par ailleurs, garder le
pouvoir de
verrouiller, sur un certain nombre de sujets, des règles – afin que les
entreprises du secteur concerné ne puissent pas s’y soustraire. Le
gouvernement
ne nous a pas dit non.
Nous ne sommes pas opposés à ce que l’accord d’entreprise couvre un champ plus large qu’aujourd’hui, par exemple pour tout ce qui a trait à l’organisation du travail. Mais il en va différemment pour les rémunérations : nous ne sommes pas favorables, par exemple, à l’hypothèse où un accord d’entreprise remettrait en cause une prime d’ancienneté qui avait été négociée à l’échelon de la branche.
Tous
les détails n’ont pas été tranchés, les discussions vont se poursuivre
au
moment de la rédaction des ordonnances. Nous tenons à ce que soit
garanti le
rôle de la branche. Il est hors de question de se retrouver, demain,
dans la
même situation que l’Allemagne où seulement 50 % des travailleurs sont
couverts
par une convention collective [plus de 90
% en France].
Vous ne craignez
pas la fin de la
hiérarchie des normes ? Non.
Si j’avais ce sentiment, la concertation se serait arrêtée. Dès le
départ, j’ai
indiqué les lignes rouges. Pour le moment, ils ont l’air de les prendre
en
compte.
Que
pensez-vous de la fusion des instances représentatives du personnel ? Le
projet du gouvernement consisterait à poser le principe selon lequel la
fusion
des instances est la règle, seul un accord majoritaire permettant d’y
déroger.
Nous ne sommes pas fermés à un tel schéma mais à plusieurs conditions.
Il faut
accroître les moyens alloués aux élus du personnel, notamment en termes
d’heures de délégation et de formation. La possibilité de recourir à
des
experts doit être sauvegardée. Et il faut que la délégation unique
puisse
continuer d’ester en justice sur la santé et la sécurité dans les
entreprises :
ces problématiques n’ont pas à être sacrifiées, pour des raisons
d’économie ou
de compétitivité.
Le chèque syndical
est-il une bonne idée
? Nous
ne sommes pas demandeurs et pensons même qu’il s’agit d’une erreur car
il n’a
pas fait ses preuves dans les rares sociétés où il a été mis en place.
Nous
préférerions réfléchir à l’exercice du droit syndical.
Le plafonnement
des indemnités
prud’homales est-il un casus belli ? Non.
Nous ne sommes pas hostiles à la discussion sur cette mesure mais, là
encore,
tout dépend des conditions de mise en œuvre. Nous allons faire des
propositions
sur le niveau de dédommagements inscrit dans le barème. Nous voulons
aussi que
soit laissé au juge un pouvoir d’appréciation, l’autorisant, dans
certains cas,
à s’affranchir du barème.
Le
gouvernement souhaite encourager le recours au contrat de chantier :
êtes-vous
d’accord ? Si
j’ai bien compris ce qu’en a dit la ministre du travail, Muriel
Pénicaud, dans
son entretien au Journal du dimanche,
il n’est pas question de généraliser ce dispositif. Aujourd’hui, seuls
les
employeurs du BTP et du Syntec (ingénierie, conseil, etc.) l’ont
adopté. Nous
allons en discuter, rien n’est encore réglé. Nous avons souligné qu’il
était
hors de question que ce soit « open bar » dans toutes les entreprises.
A
priori, cela ne le sera pas.
Certaines
règles sur les licenciements économiques sont susceptibles d’évoluer… Il y a un problème sur le périmètre pour apprécier les difficultés d’un groupe international qui licencie dans une de ses filiales en France. A l’heure actuelle, la santé des autres sites implantés dans le reste du monde est aussi prise en compte, mais le gouvernement pourrait resserrer ce zonage, sans que l’on sache si c’est au niveau de l’Hexagone, de l’Europe… Nous avons déjà expliqué à nos interlocuteurs gouvernementaux qu’une multinationale sait organiser artificiellement les difficultés d’une de ses filiales. Ils en ont conscience mais cette difficulté n’a pas été résolue, à ce stade. Nous avons tiré le signal d’alarme à ce sujet.
A la base, comment réagissent vos militants ?
Nos
militants ont encore en tête la loi travail. Ils voient que la
confédération a
l’air ouverte et ils se demandent pourquoi. Je pense qu’il y a chez eux
une
forme d’attentisme teinté d’inquiétude. Ils voient qu’il y a un
président qui a
toutes les clefs en mains et ils se demandent concrètement ce qu’il va
en
faire. Mais ils savent que nous n’accepterons pas une loi travail grand
patron. |