Figure
de proue des Économistes Atterrés, le directeur du département Économie
de la mondialisation de l’OFCE [1] estime que la déflation
n’est pas automatiquement néfaste pour les salariés… à la condition
qu’elle ne s’éternise pas.
« Le
gel du point d’indice de la fonction publique est aberrant, il devrait
a minima suivre l’inflation »
À partir de quel recul
de l’inflation peut-on parler de déflation ? Quels peuvent en être
les effets ?
Il n’existe pas de norme de déflation.
La BCE fixe l’inflation à 2%, mais cette norme est arbitrale. Dans tous
les pays, les politiques de compétitivité entraînent les prix vers le
bas. La situation de
déflation [2] en elle-même n’est pas
catastrophique. Cela restitue du
pouvoir d’achat [3] aux salariés et les
désindexations des allocations et des pensions ont moins d’effets. Mais
le risque est que la situation se perpétue car on ne sort pas d’une
ornière où le chômage fait pression sur les salaires. Les déficits se
maintiennent et la pression sur les dépenses publiques fait encore
chuter la croissance. On peut être dans une période longue sans reprise
et le gouvernement est alors coincé entre sa volonté de ne pas faire
baisser l’activité et sa volonté de réduire les déficits.
Une déflation ou une très faible inflation pourraient donc se révéler
bénéfiques pour le pouvoir d’achatdes salariés ?
Cela peut soutenir les revenus des
ménages, mais à court terme. Cette déflation vient essentiellement du
déséquilibre du marché du travail. Et ce sont les salariés qui en
souffrent car ce que nous constatons, c’est plutôt une
désinflation [4] salariale. Le gel du point
d’indice de la fonction publique est aberrant, il devrait
a minima suivre l’inflation. Pour
les salariés, la situation serait bien meilleure avec des tensions sur
le marché du travail qui se répercuteraient sur les salaires et les
prix.
Quelle part ont les politiques d’austérité dans la dégradation de la
situation économique ?
Leur responsabilité est totale. L’euro
en lui-même fut une erreur car mis en place entre des pays différents
sans mécanismes de coordination ou de solidarité. Depuis 2010, les pays
du Nord ont dominé la zone euro et ceux du Sud ont été incapables de
dévaluer et contraints à des politiques d’austérité qui ont pesé sur
leur croissance et toute l’Europe. En 2011, aucune politique
expansionniste n’a été menée qui aurait permis de compenser les
déséquilibres creusés. Et ce fut l’enchaînement avec la course au
respect de normes inadéquates. En juin 2012, François Hollande a
accepté de signer le stupide pacte budgétaire et n’a pas obtenu de
pacte de croissance. Les politiques restrictives mises en œuvre ont
brisé l’activité.
La chute du pouvoir d’achat se poursuit
Certains indicateurs font plus de bruit
que d’autres. Pour la troisième année consécutive, le pouvoir d’achat
par unité de consommation a diminué selon les chiffres publiés par
l’Insee le 14 août. Après des baisses de -0,4 % et -1,5 % en
2011 et 2012, la chute continue : -0,6% pour 2013. Et après ces
trois années de chute, la quatrième ne risque pas d’être celle du
rebond : les augmentations des taux de TVA du 1er janvier 2014
amputent encore davantage le pouvoir d’achat des salariés.