Section des Directions Nationales et Spécialisées
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Groupe de Travail TELETRAVAIL du 7 Mai Déclaration liminaire

Le télétravail à la faveur de la crise sanitaire s’est probablement durablement installé dans les modes de travail au sein des directions de Bercy. Le retour en arrière sera probablement plus compliqué qu’on ne l’imagine. Les documents de travail sont très descriptifs mais ils n’évoquent que partiellement les difficultés de mise en œuvre. Ils se concentrent pour l’essentiel sur les aspects logistiques. Le recours au télétravail dans l’urgence (pour celles et ceux qui n’y étaient pas déjà habitués), s’est fait hors de tout cadrage formel, de manière non choisie, et a parfois buté sur les questions d’équipement. Il a produit des effets contrastés, tant sur les télétravailleurs que sur les responsables de service.FO Finances peut donc souscrire à la volonté de cadrer absolument l’inévitable extension du recours au télétravail. Le bilan statistique affiche des volumétries inédites avec une disparité entre services déconcentrés et administration centrale, de 25% à 75%, contre 3% en moyenne en 2019. Par ailleurs la situation de la DGDDI nous interpelle, puisqu’aucun chiffre n’a été communiqué dans les recensements MEF. Au-delà des difficultés d’approvisionnement ponctuelles, toute volonté d’extension du recours au télétravail passe nécessairement par une anticipation de la mise à disposition de matériel. Pour FOFinances, il est inacceptable de supprimer l’obligation de fourniture du matériel par l’employeur au motif qu’il est désormais « possible » d’utiliser son matériel personnel. Ce ne peut être que très ponctuel, pour débloquer une situation d’urgence, mais ne saurait être érigé en principe de fonctionnement. Une revue systématique des applications et un plan à moyen terme visant à rendre les applications qui ne le sont pas encore « télétravaillables » (Chorus par exemple) parait également incontournable. Une réflexion en matière de capacité et de sécurité des réseaux est également indispensable, nombre de VPN (Réseau privé virtuel)par exemple. Les difficultés évoquées dans la fiche sont surtout traitées du point de vue du chef de service, devant faire face à la double injonction inédite de devoir eux-mêmes télétravailler et de devoir encadrer leur équipe à distance.Ces difficultés sont réelles mais beaucoup d’agents ont surtout été confrontés à une contrainte très spécifique du confinement, le fait de devoir partager l’espace et les ressources avec l’éventuel conjoint et les enfants en âge d’être scolarisés. Cette situation inédite dans le télétravail classique a pu faire basculer d’un télétravail efficace et épanoui à un télétravail compliqué et stressant.
Le recours au télétravail en mode dégradé en particulier, hors de toute convention et parfois avec l’utilisation du matériel personnel, s’est accompagné d’un brouillage de la frontière vie privée/vie publique. Des exigences démesurées parfois supérieures à celles ayant cours en présentiel ont pu être imposées ici ou là. Citons, sans être exhaustifs : des conférences téléphonées sur les jours de temps partiels, des message les jours fériés, une volonté de maintenir une activité pouvant aller au-delà des missions prioritaires définies par les PCA, l’obligation de se connecter quotidiennement à la messagerie ou aux applications en mode flicage, des accusations implicites voire explicites d’inactivité, avec, parfois, des comportements ou des propos qu’on croyait disparus … et sans parler de primes possibles ou de congés retirés qui sont venus perturber une situation déjà compliquée !! Il faut également souligner les effets d’isolement, de rupture du collectif de travail qui renforcent les effets du confinement, de la garde d’enfant, de la ruralité et des difficultés de connexion en zones blanches, qui ont pu placer certains collègues dans des situations psychologiques délicates, sans avoir toujours le soutien souhaitable ou attendu. Il y a bien des enseignements à tirer de la crise sanitaire inédite à laquelle nous sommes confrontés. Les propositions formulées dans la fiche II apparaissent de ce point de vue, timides, voire franchement décalées parfois. L’élargissement du recours au télétravail peut être bienvenu pour faire face à des urgences sanitaires ou les effets de catastrophes naturelles. Il est évidemment plus discutable s’agissant des problématiques de transport liées à des conflits sociaux. Il ne faudrait pas qu’il remette en cause la liberté fondamentale que constitue le droit de grève et qu’il soit le vecteur d’un service minimum qui ne dirait pas son nom. L’enveloppe de jours flottants apparaît de ce point de vue une solution plus mesurée, plus moderne aussi car plus souple et redonnant à l’agent une gestionmaîtrisée, lui permettant de faire face à un temps de trajet domicile-travail en allongement constant ou de concilier ses obligations professionnelles avec son rythme de vie, ses contraintes ou aspirations personnelles. L’élargissement des lieux possibles d’exercice du télétravail nous inquiète. Il ne faudrait pas qu’à l’Open-space, disqualifié par les nécessités de lutte contre la propagation du virus, succèdent des espaces de coworking sans garantie sanitaire ou que les maisons « France service » deviennent un centre des finances bis à personnels tournants. Les évolutions semblent amorcer un véritable renversement de la charge de la preuve en matière de configuration technique des installations. Ce serait désormais à l’agent d’attester du fait que son installation répond correctement aux impératifs techniques et de sécurité exigés par l’administration ! Autrement dit, en cas d’inadaptation, le télétravail lui serait interdit et s’il atteste à tort, il devrait en assumer les conséquences éventuelles, pourquoi pas disciplinaires. L’agent en télétravail assume déjà une large partie de la charge du télétravail (connexion Internet, aménagement nécessaire, assurance,…), sans que son employeur puisse en plus lui imposer la vérification de la conformité de son installation.FOFinances s’oppose à la modification de l’article 6 du décret modifié de 2016 paru hier au JO : la possibilité d’utiliser son matériel personnel ne peut aboutir à dispenser l’employeur de la nécessité de fournir le matériel qu’il doit à l’agent en position de télétravail.
A l’évidence le télétravail s’est, à la faveur de la crise sanitaire actuelle, durablement installé dans notre environnement professionnel. Son encouragement peut constituer un élément de souplesse favorisant une meilleure conciliation vie professionnelle/vie personnelle, constituer un levier d’adaptabilité en cas d’événement inhabituel, répondre à des problématiques ciblées d’éloignement domicile-travail et constituer en cela une avancée en matière de conditions de travail. Le télétravail doit être encadré, volontairement choisi par des agents ayant pleinement et concrètement mesuré ses conséquences psychologiques et pratiques. Il doit amener à une adaptation des modes d’organisation du travail et d’évolution des pratiques managériales. Si tous les agents ne sont pas faits pour le télétravail, tous les managers ne le sont pas non plus. Souplesse indispensable, élément utile dans la panoplie des rapports modernes au travail, le télétravail ne peut pas néanmoins devenir une norme qui s’imposerait progressivement àtous. Songeons un peu à ce que serait une société ou plus personne ne rencontrerait personne, où l’on pourrait tout commander depuis chez soi à des opérateurs échappant à leurs obligations fiscales et sanitaires, renonçant aux solidarités naturelles cédant à un individualisme décomplexé et autorisant tous les excès voire toutes les violences : une sorte de confinement perpétuel en quelque sorte… cela ne peut pas être le monde d’après !