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Le Conseil d’État rejette en bloc les recours contre l’ordonnance sur les congés imposés dans la fonction publique

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Mardi 12 mai, le Conseil d’État a rejeté les recours de la CGT, de la CFDT et de Solidaires dirigés contre l’ordonnance du 15 avril sur les jours de congés ou RTT pouvant être imposés dans la fonction publique d’État et la territoriale au titre de la période d’urgence sanitaire. Le Palais-Royal considère notamment qu’il n’y a pas de rupture d’égalité de traitement entre les agents concernés par ces dispositions, qu’ils soient en autorisation spéciale d’absence ou en télétravail.

Par une ordonnance commune du mardi 12 mai, le juge des référés du Conseil d’État a rejeté les recours de la CGT, de la CFDT et de Solidaires contre l’ordonnance du 15 avril dernier relative à la prise de jours de réduction du temps de travail (RTT) ou de congés dans la fonction publique de l’État et la fonction publique territoriale au titre de la période d’urgence sanitaire.

Dans le détail, 3 requêtes en référé (demandant la suspension de ce texte) avaient été déposées. La première, le 27 avril, par Solidaires Finances. La seconde, le 27 avril également, par la CGT avec sa Fédération des services publics et son Union fédérale des syndicats de l’État. Et la troisième, le 28 avril, par la CFDT Finances avec la Fédération Interco CFDT, l’Union des fédérations de fonctionnaires et assimilés (UFFA-CFDT) et le syndicat CFDT Affaires étrangères (CFDT-MAE). Des recours au fond sont par ailleurs toujours en cours.

Pour rappel, l’ordonnance du 15 avril a permis d’imposer jusqu’à 10 jours de congés (RTT ou congés annuels) aux fonctionnaires et aux agents contractuels de l’État se trouvant en autorisation spéciale d’absence (ASA) du fait du confinement et notamment de l’impossibilité d’effectuer leurs services en raison de l’épidémie de Covid-19. L’ordonnance ouvre, par ailleurs, la possibilité pour les chefs de service, “pour tenir compte des nécessités de service”, d’imposer aux agents placés en télétravail de prendre 5 jours de RTT ou, à défaut, de congés annuels. Des dispositions qui peuvent être déclinées dans la fonction publique territoriale [cliquez ici pour consulter notre article sur le sujet].

Légalité de l’habilitation

Sur la légalité externe du texte attaqué, le Conseil d’État reprend, pour partie, les mêmes arguments que ceux figurant dans sa décision du 27 avril rejetant le recours de Force ouvrière contre l’ordonnance [cliquez ici pour consulter notre article sur le sujet]. À savoir que l’exécutif pouvait, sans habilitation précise du législateur, obliger les agents publics à prendre des jours de congés.

La loi d’urgence du 23 mars dernier, en effet, avait habilité le gouvernement, s’agissant de la fonction publique, à prendre toute mesure permettant d’imposer ou de modifier unilatéralement, y compris de manière rétroactive, les dates des jours de RTT “et non les dates des congés annuels”.

Toutefois, souligne le Conseil d’État, “si l’article 34 de la Constitution donne compétence au seul législateur pour fixer les règles concernant « les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l’État » et qu’il lui appartient ainsi d’instituer les différents droits à congés des fonctionnaires civils et militaires de l’État”, ne relèvent “pas de sa compétence à ce titre les autres éléments du régime de ces congés, en particulier les périodes au cours desquelles les congés annuels peuvent être pris ainsi que la possibilité de ne pas tenir compte, à cet égard, en particulier en raison des nécessités du service, des demandes des agents”.

Pas d’irrégularité en matière de consultation

“Le moyen tiré de ce que le Président de la République ne pouvait, sans habilitation du législateur, fixer les règles litigieuses, en faisant obligation aux agents de prendre des jours de congés pendant une période déterminée, n’est pas de nature à faire douter de la légalité de l’ordonnance”, en conclut ainsi le juge des référés.

Par ailleurs, ajoute-t-il, les ordonnances prises sur le fondement de la loi d’urgence du 23 mars dernier étaient dispensées “de toute consultation prévue par une disposition législative ou réglementaire”. Les moyens tirés de l’absence d’avis préalable du conseil supérieur de la fonction publique de l’État (CSFPE), du conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) et du Conseil commun de la fonction publique (CCFP) sur le projet d’ordonnance ne sont donc “pas susceptibles de faire naître un doute sérieux quant à la légalité” du texte.

Pas de méconnaissance du droit au repos

S’agissant de la légalité interne de l’ordonnance du 25 avril, le Conseil d’État juge que “ne sont pas de nature à faire sérieusement douter de leur légalité” les moyens tirés de ce que les dispositions du texte “méconnaîtraient” notamment “le droit au repos et aux loisirs” garanti par le préambule de la Constitution de 1946.

Ces dispositions ne méconnaissent pas non plus “le droit au respect des biens” garanti par le protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, “qui reconnaît le droit de tout travailleur à des périodes de repos journalier et hebdomadaire, ainsi qu’à une période annuelle de congés payés”, ou encore par la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, “qui institue un droit à congé annuel avec traitement”.

“Il en va de même du moyen tiré de ce que ces dispositions porteraient atteinte à la liberté personnelle des agents publics à laquelle ces dispositions ne portent pas atteinte”, ajoute le Conseil d’État.

À situation différente, traitement différent

Dans sa décision, le Palais-Royal rejette aussi les griefs des organisations syndicales relatifs à l’égalité de traitement entre les agents publics. Celles-ci soutenaient en effet que l’ordonnance du 15 avril méconnaissait le principe d’égalité de traitement des agents appartenant à un même corps. Et ce en raison de la différence de traitement entre les personnels en autorisation spéciale d’absence (ASA), en télétravail et ceux n’étant concernés par aucune de ces positions statutaires, c’est-à-dire les agents travaillant en présentiel. Un argument que le Conseil d’État rejette.

L’ordonnance, explique l’institution dans sa décision, “a institué des différences de traitement entre ces différentes catégories d’agents correspondant à des différences de situation en rapport avec l’objet de la règle, dont ni le principe ni la proportionnalité ne sont de nature à créer un doute sérieux sur sa légalité”. Le principe d’égalité ne s’oppose donc pas à ce qu’il y ait des traitements différents pour des situations différentes.

Il en va de même, selon le Conseil d’État, des dispositions de l’article 1 de l’ordonnance, relatif aux jours de RTT ou de congés imposés spécifiquement aux agents en ASA. Article qui, selon les organisations syndicales, “recèlerait une discrimination indirecte en défaveur des femmes, qui auraient majoritairement renoncé au télétravail ou à un service sur leur lieu de travail afin de s’occuper d’enfants privés d’école, alors que les différentes situations dans lesquelles se trouvent les agents pendant la période de confinement et les régimes relatifs aux jours de réduction du temps de travail ou de congés qui sont les leurs en vertu de l’ordonnance contestée résultent essentiellement de mesures rendues nécessaires par les exigences de la lutte contre l’épidémie”.

Le recours de l’Unsa rejeté lui aussi
Dans une décision indépendante, datée du 12 mai également, le Conseil d’État a aussi rejeté le recours de l’UATS-Unsa (Union des personnels administratifs techniques et spécialisés de l’Unsa) contre l’ordonnance sur les jours de congés pouvant être imposés dans la fonction publique. Le Palais-Royal y écarte les griefs soulevés par cette organisation syndicale relatifs à l’habilitation à légiférer par ordonnances, à l’égalité de traitement entre les agents publics, ou encore aux consultations sur ce type de texte.