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Ségur de la santé : il y a une forte attente de l’ensemble des personnels

« Yves Veyrier, Secrétaire général de Force Ouvrière, livre son analyse sur le service public hospitalier français et évoque des pistes d’amélioration. »

Frédéric Rivière : Le Ministre de la Santé va réunir les partenaires sociaux lundi prochain pour un Ségur de la Santé ; c’est l’ancienne secrétaire générale de la CFDT, Nicole Notat qui a été chargée de diriger, de canaliser les travaux. Tout d’abord rapidement est-ce que c’est un bon choix ?

Yves Veyrier : Je ne veux pas juger, ni des personnes en fonction de leur passé, où, évidemment, il y a la proximité syndicale qui fait que cela peut attiser des tensions ou des interrogations. Mais je ne vais pas rentrer là-dedans, cela ne m’intéresse pas.
Ce qui m’intéresse c’est le contenu de ce que vont être ces négociations et la façon dont elles vont se dérouler. Le fait que ça démarre vite est plutôt un bon signal, à condition que le gouvernement ne cherche pas à solder, trop vite et à peu de frais, le passif qui est lourd à l’hôpital, que ce soit en termes de salaires, de carrières ou de moyens de fonctionnement de l’hôpital, ou de réformes qui ont été très souvent critiquées et contestées.

Frédéric Rivière : Comment ce Ségur de la santé est perçu par les personnels hospitaliers ?

Yves Veyrier : Il y a une forte attente après l’épisode de la prime qui a été mal compris, puisque contrairement aux annonces, aux affichages, tout le monde ne va pas percevoir la même prime. C’est un peu le germe de la division.
J’insiste beaucoup : à l’hôpital il y a, évidemment, des médecins, l’ensemble des personnels soignants, les infirmières, les aides-soignants, les aides soignantes, il y a les auxiliaires de service hospitalier, le personnel administratif, le personnel technique… Personne ne doit être mis à l’écart parce que c’est l’ensemble qui fait que ça fonctionne de manière performante ; que malgré les difficultés, ils ont pu tenir dans cette période aussi difficile ; que ce soit du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest de la France. Donc, qu’on prenne bien en compte l’ensemble de ce qu’on pourrait appeler la communauté du secteur hospitalier. Mais il y a aussi tout le secteur du médico-social, du social, les Ehpad… Ne les oublions-pas ! Les établissements spécialisés d’accueil, par exemple, pour les personnes handicapées.
Il faut vraiment que cette approche soit globale, que ce ne soit pas : on sème un peu ici ou là en espérant que ça fera baisser la tension.

Frédéric Rivière : Le Ministre de la Santé, Olivier Véran, a promis de répondre au malaise des soignants par des mesures d’ampleur et a-t-il dit dans une certaine mesure radicales. "Cela passera, dit Olivier Véran, par une hausse des salaires à l’hôpital et une remise en question de certains carcans qui empêchent ceux qui le souhaitent de travailler davantage". Est-ce que vous avez l’impression que c’est une discussion sans tabou qui s’annonce ?

Yves Veyrier : Je me méfie des grands mots, des grandes phrases ! A fortiori, si elles recouvrent des enjeux qui ne sont pas forcément ceux sur lesquels on attend des réponses. La question, encore une fois, si c’est du donnant-donnant, c’est-à-dire du « travailler plus pour gagner plus », on connaît la chanson ! Elle n’est pas d’aujourd’hui, elle n’est pas nouvelle. Elle n’a jamais fonctionné. Aujourd’hui, ce qui importe, c’est de tenir compte de la situation salariale. Tout le monde le sait maintenant, la situation des rémunérations à l’hôpital en France est en dessous de la moyenne de bon nombre de pays comparables. C’est une première question !
La deuxième question, c’est celle de l’attractivité. Ce n’est pas simplement un petit coup de pouce sur une prime, c’est l’ensemble de la carrière. Cela passe donc par une revalorisation des carrières, ce qu’on appelle le point d’indice, les revalorisations indiciaires. C’est ainsi que les choses doivent se discuter.
Et puis, il faut tenir compte du fait, cela a été très largement mis en exergue ces temps derniers, que ce sont des secteurs où le travail est pénible à tout point de vue. C’est un travail difficile, quand on est auprès de personnes fragiles, en face de personnes dont on a à charge la santé. Il y a une charge psychologique et une charge physique. On aide des personnes à se mouvoir, à se lever. Il y a tous les soins de nature intime qui ne sont pas simples à réaliser non plus.
Il faut vraiment intégrer l’ensemble de ce qu’est le métier de personnel à l’hôpital dans toute sa dimension.
Ce n’est pas simplement une prime, c’est un ensemble !
A propos de la question de la contrainte du temps de travail, n’oublions pas qu’aujourd’hui le défaut vient du manque de personnel. Il faut savoir que les heures supplémentaires au compte épargne temps des personnels hospitaliers représentent, au bas mot, 30 000 postes manquants, vacants. C’est là-dessus qu’il faut travailler et pas l’inverse.

Frédéric Rivière : Est-ce que vous pensez qu’il faut redonner le pouvoir aux médecins dans les hôpitaux alors qu’aujourd’hui ce sont des directeurs administratifs qui dirigent ?

Yves Veyrier : Je ne sais pas si c’est dans ces termes qu’il faut dire les choses. Effectivement, ça correspond d’une manière générale à ce que je disais au tout début. C’est-à-dire, des réformes qui ont été menées depuis trop longtemps, de trop nombreuses années par le seul guide de l’économie budgétaire. Ce qu’on appelle l’objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam), où on fixe un taux de l’évolution du budget d’une année sur l’autre, non pas en fonction des besoins mais en fonction de contraintes qui imposent ou obligent ensuite les établissements à réaliser des économies. On transfère à l’administratif, effectivement, le soin de mettre en œuvre des contraintes budgétaires et le médical doit s’aligner, doit supporter ces contraintes administratives qui viennent de choix budgétaires. Comme on avait mis en place cette tarification à l’activité, la célèbre T2A que nous avions d’entrée de jeu, Force Ouvrière, critiqué. Nous en avions analysé les risques et les conséquences.
De la même manière, lorsque l’on parle de l’ambulatoire, ce que l’on constate est que ce n’est pas fait pour prendre au mieux la situation de chaque patient en fonction de divers paramètres et des meilleures attitudes pour sa santé mais parce qu’il faut fermer des lits. On renvoie au maximum, en réalité, au titre de l’ambulatoire, des patients chez eux parce que l’objectif était de réduire le nombre de lits.

Frédéric Rivière : Les discussions de ce Ségur de la Santé démarrent lundi, est-ce qu’en l’état actuel des choses une journée de mobilisation dans les hôpitaux est toujours à l’ordre du jour ?

Yves Veyrier : La fédération Force Ouvrière a déposé un préavis de grève parce que nous sentions bien que les choses pourraient ne pas aller comme nous l’espérions. Maintenant, il y a des annonces qui ont été faites très récemment. Nous allons voir précisément, concrètement, ce que derrière ces annonces nous obtenons en termes de discussions, de négociations effectives avec les organisations syndicales, j’y insiste. Nous verrons à ce moment-là si les choses vont dans le bon sens ou s’il faudra se mobiliser pour se faire entendre puisque nous ne l’avions pas été jusqu’à la crise sanitaire du Covid. Il ne faut pas oublier que depuis plus d’un an, l’ensemble du secteur hospitalier était mobilisé à l’appel des syndicats dont FO. Si nous ne sommes pas entendus malheureusement nous n’avons pas d’autre solution. Je dis « malheureusement » parce que nous ne faisons jamais un appel à se mobiliser pour le plaisir. Nous le faisons quand nous ne sommes pas entendus. Ce qui est malheureux, c’est que nous ne soyons pas entendus.