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- Article publié le 28/05/2020
Ségur de la Santé : quel financement pour de meilleurs moyens et salaires ?
Ouverte le 25 mai et censée s’étirer jusqu’à l’été avant l’annonce d’un nouveau « plan » pour la Santé, la grande rencontre entre les professionnels initiée par le gouvernement interroge d’ores et déjà par sa méthode de discussions et la portée des annonces faites en amont par l’exécutif. Participant à ce Ségur national, la fédération FO des personnels des services publics et de Santé (FO-SPS) réitère ses revendications, concrètes, notamment au plan de l’augmentation des salaires.
S’il fallait retenir une seule chose, certaine, de l’épidémie de Covid qui sévit sur le territoire depuis trois mois, ce sont les efforts phénoménaux qu’ont dû déployer les personnels hospitaliers pour accueillir et soigner les patients atteints du virus. Cela, en manquant de moyens pour se protéger eux-mêmes (masques, sur-blouses, sur-chaussures…) et en devant faire face à l’insuffisance de lits (la France ne disposait que de 5000 lits de réanimation au début de la crise), de personnels et de moyens techniques (respirateurs, produits de réanimation…).
Les personnels ont-ils découvert cette situation de carence à la fin février, à l’arrivée des premiers malades dans les services ? Du tout. Depuis plus d’un an, à l’appel des syndicats représentatifs du secteur, dont la branche Santé de la fédération FO des personnels des services publics et de Santé (FO-SPS), ils n’ont cessé de tirer la sonnette d’alarme sur des manques qui risquaient de devenir dramatiques en cas de fréquentation soudainement massive dans les établissements. Infirmiers, aides-soignants, médecins, agents administratifs, personnels techniques… Tous, lors des grèves et manifestations, pointaient cette situation menaçante couplée à des conditions de travail déjà dégradées et sans cesse aggravées par les réformes successives entraînant un serrage de ceinture toujours plus fort des moyens de l’hôpital.
Mal payés, déjà épuisés par un rythme de travail effréné “en temps normal“ dans des établissements où le manque d’effectifs ne permet pas de prendre du repos quand il le faudrait, les personnels ont tenu bon cependant et rempli leurs missions, souvent au-delà du concevable.
Une "concertation générale" selon le Premier ministre
Cette situation a-t-elle eu l’effet d’un électrochoc au sein de l’exécutif ? A la mi-mai, le président de la République indiquait qu’il y avait eu "une erreur dans la stratégie annoncée il y a deux ans", concernant la réforme "Ma santé 2022". Emmanuel Macron annonçait donc l’arrivée d’un "plan" pour la Santé, construit à travers un "Ségur (du nom de la rue du ministère de la Santé, Ndlr) de notre organisation de Santé". Et le chef de l’État de préconiser "d’autres modes de régulation, qui partent du bas et du soin, et non plus d’une logique budgétaire, mais d’une logique sanitaire". Un virage à 180°.
Le Ségur de la Santé, grande rencontre -par visioconférence- entre plus de 300 interlocuteurs (syndicats, directeurs d’hôpitaux et d’Ehpad, médecins libéraux, …), s’est donc ouvert le 25 mai, présidé par le Premier ministre. Ces derniers jours, FO-SPS qui participe bien sûr à ce Ségur, s’était élevée contre la présence annoncée des associations ou "collectifs" de Santé qui, contrairement aux syndicats représentatifs, ne disposent d’aucune légitimité issue d’élections. "Les collectifs étaient absents" lors de cette première rencontre a pu constater Didier Birig, le secrétaire général de FO-SPS "et c’est grâce aux demandes faites par FO".
Quel est le cadre choisi par l’exécutif pour ce Ségur qui démarre sur fond d’une colère attisée des soignants, lesquels organisent actuellement rassemblements et/ou grèves dans de nombreux établissements ? C’est une "concertation générale" a indiqué, le 25 mai, Édouard Philippe et celle-ci "débouchera sur des décisions en juillet".
"Seule, la CFDT a eu le droit de prendre la parole"
Après le chef de l’État assurant, ces dernières semaines, qu’il faut en finir avec la "paupérisation des soignants" ou qui, dès le 25 mars, annonçait un "plan massif d’investissements pour l’hôpital", le Premier ministre semblait confirmer, le 25 mai, le projet de l’État d’investir "massivement" pour l’hôpital ou encore d’aider les établissements "dans leur démarche de désendettement". Les hôpitaux affichent en effet une dette totale de près de 30 milliards d’euros. L’an dernier, le gouvernement avait annoncé dans le cadre du plan hôpital une reprise de dettes, mais limitée à dix milliards d’euros et sur trois ans. La semaine dernière, le ministre de la Santé avait lui annoncé un "effort de 13 milliards", sans toutefois apporter de précisions depuis.
Le 25 mai, Olivier Véran précisait l’organisation et le timing du Ségur. La concertation qui s’étirera "jusqu’à la fin juin" sera ponctuée de rencontres de deux types : chaque semaine se tiendra un "comité Ségur national" piloté par Nicole Notat, ex-secrétaire générale de la CFDT. Se tiendra aussi, de manière hebdomadaire, un "groupe Ségur national" dédié, lui notamment aux "carrières et rémunérations" à l’hôpital public.
Le groupe s’est rencontré pour la première fois mardi 26 mai. Il était présidé par Nicole Notat et Olivier Véran et comptait des membres du cabinet du ministre de la Santé et des représentant de l’IGAS, indique Didier Birig.
La veille, au premier jour du Ségur, la fédération FO-SPS entendait faire part oralement de ses revendications. Mais c’était sans compter avec l’organisation, baroque, de cette grand’messe. Parmi les syndicats, "seule, la CFDT a eu le droit de prendre la parole" s’indigne Didier Birig. La fédération n’a pu prendre la parole que le 26 mai lors de la tenue de la visioconférence du "groupe Ségur national".
FO demande un "changement radical de paradigme"
La fédération a alors rappelé ses revendications, notamment celle concernant la nécessité de "revoir le modèle de financement" de l’hôpital public et de "mettre fin" à la tarification à l’acte mais "également et surtout au principe même d’un Ondam (l’objectif annuel de la progression des dépenses, Ndlr) à la fois restrictif et fermé qui pousse les établissements à toujours plus d’actes mais également à des modes de managements agressifs qui ont des effets délétères sur les conditions de travail et par conséquent sur la prise en charge des malades".
Alors que par ses déclarations depuis quelques semaines, l’exécutif se dit soucieux d’une amélioration de l’organisation de la Santé sans l’assujettir d’emblée à la question budgétaire, FO a réitéré sa revendication majeure, celle qui coiffe toutes les autres : le "changement radical de paradigme sur les dépenses en matière de santé. Elles ne doivent pas être évaluées en coût, mais en investissement". La crise actuelle a montré la pertinence du propos…
Les revendications portées par FO concernent bien sûr les salaires et leur augmentation, seule manière patente de reconnaître le travail des agents.
La "reconnaissance" qui sera apportée aux soignants "se traduira, le Président l’a dit, dans les rémunérations" assurait le Premier ministre ce 25 mai indiquant que "la revalorisation sera significative" et qu’il s’agissait de préserver "la motivation" des personnels.
Enfin une reconnaissance par le salaire ? Lors de l’ouverture du Ségur, FO a dressé un état des lieux de la situation salariale. Sombre. Le gel des traitements/salaires indiciaires a appauvri les agents et a pesé lourdement dans l’attractivité des professions hospitalières, le protocole PPCR (parcours professionnels, carrières et rémunérations) imposé à la Fonction publique en 2015 a eu un "effet négatif" souligne encore FO-SPS.
Une vraie négociation ou pas ?
La politique salariale doit donc changer. Et la fédération FO revendique "une augmentation générale des salaires pour l’ensemble des corps et grades présents à la fois dans le secteur hospitalier, médico-social, socio-éducatif, mais également dans le secteur de la santé privée". Pour FO, une vraie progression salariale ne doit donc pas concerner que les seuls soignants. Et la fédération de souligner au passage qu’elle souhaite "une négociation et non une consultation ou une concertation" sur le sujet. Cela risque d’être compliqué. "Je crains qu’il n’y ait pas de réelle négociation" s’inquiète d’ores et déjà Didier Birig déplorant une sorte de grand flou artistique dans ce début de Ségur.
Ainsi les animateurs du groupe, comptant donc le ministre de la Santé, "ont refusé de communiquer sur le montant de l’enveloppe financière destinée à l’hôpital" déplore le militant, s’interrogeant sur l’existence réelle d’une enveloppe déjà envisagée pour l’hôpital.
Quant à la méthode choisie par l’exécutif dans le cadre de ces “discussions“, elle pose aussi problème. "On nous demande, à chaque syndicat, de faire des propositions" indique Didier Birig. Celles-ci seront ensuite exposées - discutées ? - lors de bilatérales avec le comité de pilotage du groupe. Suivront des “points d’étapes“ (le premier aura lieu dans quinze jours indique Didier Birig) puis la tenue d’un "comité Ségur national".
FO demande un socle d’augmentation de 300 euros pour tous
Au-delà de "faire amateur", la méthode, souligne Didier Birig, fait craindre que "les initiateurs de ce Ségur viennent simplement faire leur marché en puisant, çà et là, dans les propositions que nous présenterons". Alors que le "groupe Ségur national" doit travailler sur différents thèmes (salaires et rémunérations, temps de travail, volet social…), toutes les filières de métiers de l’hôpital (techniques et ouvriers, soignants, administratifs, médico-techniques) seront concernées. "C’est calé" et pour FO-SPS, cela constitue un point positif.
Reste à faire entendre les revendications. Et la fédération y est déterminée. "Nous allons tout d’abord proposer un socle d’augmentation de 300 euros pour tous les agents" appuie Didier Birig. "Il va falloir reparler aussi du régime indemnitaire, revoir les primes de nuit, de week-end… Pour l’instant, quand une infirmière travaille le week-end, elle perçoit 34 euros en plus. C’est inadmissible".
En ce qui concerne les personnels infirmiers, le ministre de la Santé estime que leur rémunération doit atteindre un niveau équivalent à celui de "la moyenne européenne". Les personnels sont en alerte. En effet, si une étude de l’OCDE place la France au 22e rang sur 33 pays au plan des salaires des infirmiers (autour de 1500 euros net en début de carrière en France) et note que ces soignants français perçoivent un salaire de 6% inférieur à la moyenne de l’OCDE, une comparaison des salaires entre proches voisins européens (avec les Allemands, Belges, Espagnols…) donne un tout autre résultat. L’écart est bien supérieur 10% et au détriment des soignants français. Reste donc à définir ce qu’est cette "moyenne européenne".
Des embauches indispensables
Concernant la question du temps de travail que le gouvernement entend aborder au cours de ce Ségur, précisant déjà qu’elle "n’est pas un tabou" et qu’il convient d’ôter les "carcans qui empêchent ceux qui le souhaitent de travailler davantage", là encore les syndicats, et particulièrement FO-SPS, font preuve de la plus grande méfiance. Et c’est peu dire.
"L’inacceptable serait une remise en cause des 35h et 32h30 pour les personnels de nuit à l’hôpital. Le soi-disant carcan des 35H n’est pas un problème de nombre d’heures mais une application du protocole de 2002 sans embauche suffisante pour l’appliquer !" a ainsi déclaré, ce 26 mai, FO-SPS.
Ainsi Pour la fédération FO "l’attractivité des professions de santé doit s’appuyer sur le triptyque suivant : rémunération correcte, bonnes conditions de travail, articulation vie privée/vie professionnelle respectueuse des professionnels. Pour y arriver ce sont : des moyens financiers et des effectifs en nombre". Concrètement, sortir une bonne fois pour toutes du scénario du serpent qui se mord la queue.
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