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HARCELEMENT AU TRAVAIL

article paru dans CHALLENGES du 27 janvier 2020

France 3 a diffusé lundi dernier un documentaire sur les ravages du harcèlement au travail et du phénomène des "petits chefs" qui gangrènent le monde du travail.

"Le petit chef c’est quelqu’un qui ne garde jamais son calme, qui est en panique."

"Il nous insultait d’autistes, de dyslexiques, d’abrutis."
"Quand il nous donnait des instructions, c’était complètement incohérent."
"Il me disait : ici on n’est pas dans une démocratie, c’est moi qui décide, c’est moi le chef."
"Si un jour elle avait besoin de vous, elle vous disait bonjour, sinon elle était capable de vous croiser sans même vous dire bonjour."
"Un jour il m’a dit de licencier David. Je lui ai demandé pourquoi alors que ce commercial était le meilleur. Il m’a répondu : ’parce que je ne l’aime pas’".

Autant de témoignages édifiants issus du documentaire « Petits chefs , diffusé lundi 27 janvier sur France 3 à 23h05 ». maintenant disponible en REPLAY

Cette enquête, réalisée par Lucia Sanchez et co-produite par Elda productions et France 3 Paris Ile-de-France, se penche sur tous ces managers médiocres qui se transforment, parfois même sans s’en rendre compte, en harceleurs au bureau.

Le petit chef c’est quelqu’un qui ne garde jamais son calme, qui est en panique. Et en fait, c’est ça qui est paradoxal, car il ne va pas hurler parce que c’est une mauvaise personne. Il va hurler parce qu’il n’a pas confiance en lui.
C’est quelqu’un qui va s’attribuer les idées de ses équipes, qui ne va pas avoir de courage managérial", définit ainsi Gaël Chatelain, conférencier et consultant en management, interrogé dans le documentaire.
Avec un distinguo à bien garder en tête, selon lui : "Il faut vraiment faire la différence entre le mauvais manager et le manager pervers narcissique. Le pervers narcissique, c’est une pathologie, il faut qu’il aille chez le psy. Et ça, ce n’est pas une formation qui va le transformer", insiste-t-il.

Le documentaire met également l’accent sur les ravages psychologiques autant qu’économiques que peut engendrer un management toxique ou "juste" mauvais : pertes d’information, désengagement, blocage des projets, burn-out, absentéisme…

L’un des salariés interviewés témoigne : "En deux ans l’entreprise a perdu la moitié de son chiffre d’affaires. Ce chef a fait partir une quinzaine de commerciaux et d’administratifs. Et aujourd’hui, cette personne est toujours en poste" : impunité totale !!!

Dépeints comme tantôt autoritaires, colériques, avides de pouvoir, lunatiques, voire cruels, ces "petits chefs" semblent pourtant agir dans l’impunité la plus totale, souvent appuyés par une direction qui au mieux ferme les yeux quand elle n’encourage pas carrément leurs actions.

"Il m’est arrivé fréquemment de pleurer au bureau et la majorité des personnes autour ne réagissait pas. Quand on essayait d’en parler, tout le monde avait conscience que la situation était anormale mais personne ne souhaitait agir", rapporte une autre salariée.

Au-delà de la mécanique implacable à l’oeuvre, l’enquête s’attarde sur les témoignages -rares autant que précieux- de "petits chefs repentis" et de leur prise de conscience. Comme celui de cette responsable "autoritaire et rigide" très focalisée sur les résultats qui tombe de sa chaise lorsqu’un membre de son équipe lui reproche l’horreur qu’elle fait vivre à ses équipes.

Un autre chef, jeune et lui aussi très directif, raconte comment il s’est retrouvé complètement isolé dans son service après avoir perdu la confiance de ses collaborateurs et finit par quitter ses fonctions. "J’étais comme un cheval de course, avec des oeillères. Je n’avançais que pour ma réussite", résume-t-il aujourd’hui avec le recul.

Comme le souligne Gaël Chatelain, "nous sommes tous des petits chefs en puissance ou des mauvais managers en puissance. Le management ça s’apprend. […] Malheureusement, dans le monde du travail, trop souvent, les gens sont nommés managers sans n’avoir aucune formation".

Trop peu formés, souvent catapultés pour de mauvaises raisons à la tête d’un service, les petits chefs pullulent ainsi dans les entreprises. Un mode de fonctionnement qui est toutefois de plus en plus contesté, à commencer par les jeunes générations, selon plusieurs intervenants cités dans le documentaire. Assez pour chasser définitivement les chefaillons du bureau ?

Victimes, médecin, coach, expert, étudiants en école de management, jeunes actifs…
Ce documentaire a le mérite de donner la parole à un grand nombre de parties prenantes, à commencer par plusieurs "petits chefs" repentis.
C’est sans doute le principal intérêt de l’enquête. Dommage toutefois qu’aucune entreprise ou direction des ressources humaines ne figure au casting des interviewés.
De même, on peut regretter que les causes de ce phénomène, notamment le manque de formation et les critères de choix des promotions, tout comme les solutions pour sortir de ce fléau, ne restent que survolées.

"Petits chefs", documentaire de Lucia Sanchez, co-produit par Elda productions et France 3
Paris Ile-de-France, diffusé lundi 27 janvier à 23h05.