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- Article publié le 17/03/2010
Editorial de Jean-Claude Mailly : Retraites , poser nettement les revendications
En guise d’éditorial, un article de Jean-Claude Mailly publié dans La Tribune, le mercredi 10 mars.
Lorsque les gouvernements, en France comme ailleurs, évoquent l’allongement de la durée de cotisation pour une retraite à taux plein ou le report de l’âge du droit à la retraite, ils le font pour des raisons strictement économiques et financières. De fait, s’il n’y avait pas de problème financier, la question ne se poserait pas. Pour Force Ouvrière (FO), si la question financière est effectivement la question clé, alors il convient prioritairement de l’examiner avec la nécessité de ne pas dégrader la situation des retraités actuels et à venir. Il est toujours plus sain de se fixer des objectifs politiques, au sens noble du terme, et de prendre, techniquement, les moyens de les réaliser que de faire le contraire ou d’avancer masqué. Il y a dès lors quelques tabous à faire sauter.
Le premier d’entre eux est : « On ne peut pas augmenter les prélèvements parce que cela nuirait à la compétitivité. » Ce raisonnement, très en vogue et appliqué dans les heures flamboyantes du libéralisme économique et financier, est-il encore d’actualité ? Non, bien entendu, alors que la crise continue à sévir et qu’elle est la résultante de ce même capitalisme libéral. Il est donc temps et urgent de réfléchir à un changement de modèle, impliquant régulation et réglementation, la compétitivité n’étant par définition qu’une notion relative.
Il est temps également que l’Europe – et les gouvernements qui la composent – se donne les moyens non seulement de consolider le « modèle social européen », mais d’assurer sa promotion. Il s’agit donc de passer du discours aux actes. En matière de retraites, en France, il faut donc prioritairement ajuster les recettes aux besoins. Cela passe, dans le privé, par une distinction entre le contributif (assuré par les cotisations sociales) et le non-contributif (assuré par l’impôt car relevant de la solidarité nationale), l’État n’ayant, par ailleurs, pas respecté tous ses engagements en la matière.
Sans rejeter une augmentation de la cotisation – dont on doit examiner un élargissement d’assiette incluant la valeur ajoutée et l’application aux rémunérations actuellement totalement ou partiellement exonérées –, FO plaide aussi pour des mesures fiscales. Parmi les sommes de recettes nouvelles, citons une taxation plus forte des bénéfices non réinvestis, un rééquilibrage de la Contribution sociale généralisée (CSG) entre travail et capital, l’arrêt de l’exonération fiscale sur les plus-values à l’occasion de cessions de titres (coût de 8 milliards d’euros en 2009 pour le budget de l’État). Cela suppose bien entendu la suppression du bouclier fiscal. D’une manière plus générale, il est d’ailleurs plus qu’urgent de travailler à une grande réforme fiscale guidée par les objectifs d’équité et de réduction des inégalités.
Il convient par ailleurs, deuxième axe prioritaire, de mettre en œuvre une politique économique et sociale créatrice d’emplois, sachant que 1 million d’emplois au niveau du SMIC génèrent 2,6 milliards d’euros de recettes nouvelles et font faire d’importantes économies à l’assurance-chômage et au budget de l’État qui finance les minima sociaux. S’agissant de la fonction publique, nous n’accepterons jamais l’objectif caché du gouvernement, qui vise à se dégager de l’obligation de payer, via le budget de l’État, les pensions des fonctionnaires. Cela fait partie intégrante d’une conception démocratique et républicaine de la fonction publique et du fonctionnaire, notamment au regard de leur neutralité, indispensable à la continuité du service public – dont nombre d’événements récents ont encore rappelé l’impérieuse nécessité. Au passage, rappelons qu’en économie, la notion de déficit (ou d’excédent) ne se résume pas à la réduction des comptes publics, mais qu’il faut intégrer la dette privée ainsi que les avoirs publics et privés pour avoir une notion précise. La crise est d’ailleurs née au niveau international de l’explosion de la dette privée avec, pendant la crise, son transfert à la dette publique.
Dès le début de la crise, FO expliquait que les conditions de la sortie de crise feront l’objet de débats conflictuels et de tensions sociales. Nous y sommes et nous y serons encore plus après les élections régionales. Salaires et niveau de la consommation, emploi et chômage, avenir de la République sociale sont au centre des enjeux. Le dossier des retraites, dont le gouvernement a choisi le calendrier, va concentrer les attentes. S’il s’agit de donner des gages aux marchés financiers en continuant à subir les paramètres du pacte de stabilité et de croissance, alors la crise économique continuera et la crise sociale se développera. Dans ce contexte, le rôle du mouvement syndical est essentiel. Il lui appartient de dire clairement les choses, de poser nettement les revendications et de tout mettre en œuvre pour obtenir satisfaction. C’est le choix arrêté par FO.
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