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Christian Grolier : “Les réformes ne peuvent se faire sans accompagnement social pour les fonctionnaires”

Pour le secrétaire général de la fédération des fonctionnaires de Force ouvrière, le programme d’Emmanuel Macron à destination des agents publics est un “mix” – négatif – des deux quinquennats précédents : “d’un côté, celui de Nicolas Sarkozy, avec la suppression directe de 120 000 postes, et de l’autre, celui de François Hollande, avec le gel des salaires”. Il espère que le report du “rendez-vous salarial”, initialement prévu le 10 octobre – le jour même de l’appel unitaire à la mobilisation des syndicats de fonctionnaires –, permettra au gouvernement de faire de meilleures propositions.

Les 9 syndicats représentatifs des personnels du secteur public appellent à la mobilisation pour le 10 octobre. Pourquoi votre organisation syndicale s’est-elle jointe au mouvement ?

Si l’on veut regarder les bonnes nouvelles pour les agents publics depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron, il n’y en a tout simplement pas. Les annonces négatives se sont succédé depuis le mois de mai. C’est comme si nous avions un mix des éléments des deux quinquennats précédents : d’un côté, celui de Nicolas Sarkozy, avec la suppression directe de 120 000 postes, et de l’autre, celui de François Hollande, avec le gel des salaires. À cela s’ajoute la promesse formulée par le candidat Emmanuel Macron d’améliorer le pouvoir d’achat des agents publics par la compensation de la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG), qui n’est pour le moment toujours pas tenue. La tension est palpable et l’ambiance ne pourra plus tenir si le gouvernement ne propose pas d’accompagnement social pour les agents. On ne peut pas dire que l’on va transformer l’action publique, réfléchir à de nouvelles formes d’organisation, lancer toutes sortes de réformes structurelles du secteur public et en même temps dire aux agents : “Vous n’aurez rien en compensation” ! Les réformes ne peuvent se faire sans mesures sociales en retour. Le président de la République peut rester dans sa tour d’ivoire et regarder comment la situation évolue, mais quoiqu’il arrive, si elle ne s’améliore pas pour les agents publics, vous imaginez quelle pourra être l’ambiance sur le dossier des retraites à venir…

Quelle fut votre réaction suite à l’annonce par le gouvernement du report au 16 octobre du “rendez-vous salarial”, initialement prévu le jour même de votre appel à la mobilisation ?

Ce report est une bonne chose selon nous. Il évitera à tout le monde de discuter sous la pression et la tension. De toute façon, dès le départ, nous ne souhaitions pas participer au rendez-vous salarial. Nous considérons que, par principe, le jour d’une grève, on est dans la rue avec nos camarades. Et puis il faut espérer que peut-être ce qui sera présenté le 16 octobre sera meilleur que ce qui aurait pu être annoncé le 10…

Sur quels sujets souhaitez-vous que le gouvernement revienne lors de ce rendez-vous salarial ?

Il y a bien sûr le mécanisme de compensation de la hausse de la CSG [contribution sociale généralisée, ndlr] pour les fonctionnaires : le gouvernent doit écouter les propositions des organisations syndicales et respecter a minima les engagements de campagne du président de la République. Les agents publics ne doivent pas perdre d’argent. Comme plusieurs organisations syndicales, nous sommes de notre côté favorables à l’attribution de points d’indice supplémentaires. Mais cela ne sera pas suffisant. Nous comptons aussi rediscuter du gel de la valeur du point d’indice, qui n’impactera pas seulement les actifs, mais aussi les retraités. Ceux-ci verront en effet leurs pensions diminuer s’ils partent en retraite au moment du gel du point d’indice. Et puis il y a un sujet qui reste en travers de la gorge des fonctionnaires, puisqu’il les stigmatise : le retour du jour de carence dans le secteur public. À ce stade, nous y sommes complètement défavorables. Si le gouvernement envisage d’actionner le levier de la protection sociale complémentaire pour compenser cette réinstauration, il faut déjà que l’employeur public mette de l’argent à la disposition des agents et que la complémentaire santé devienne obligatoire. C’est un véritable serpent de mer et de toute façon, le gouvernement sait très bien que s’il décide de contribuer à la couverture complémentaire des agents publics à la même hauteur qu’il le fait pour les salariés du secteur privé, cela lui coûtera certainement plus cher que de ne pas mettre en place de retour le jour de carence dans le secteur public.

Le scénario de compensation de la hausse de la CSG, prévu jusqu’à ce jour par l’exécutif, comprend la suppression de cotisations (contribution exceptionnelle de solidarité pour les agents titulaires et de cotisations maladies pour les contractuels) et une indemnité compensatoire. La mise en place de cette indemnité ne posera pas de problème pour la fonction publique d’État, un “simple” décret en Conseil d’État étant nécessaire. En revanche, pour les collectivités, une délibération préalable des employeurs territoriaux est nécessaire pour mettre en place de nouvelles indemnités. Faut-il les y obliger ?

Si vous laissez la mise en place de l’indemnité compensatoire à l’appréciation de chaque employeur territorial, au nom du principe de libre administration des collectivités territoriales, le soutien aux agents sera à géométrie variable… Certaines collectivités mettront totalement en place ladite indemnité, d’autres partiellement et certaines pas du tout. Pour nous, les employeurs publics territoriaux doivent obligatoirement la mettre en place. Mais pour le moment, nous n’avons aucune garantie qu’ils le fassent. On entend parfois les employeurs locaux défendre les agents publics, mais on se rappelle aussi que dans le cadre du protocole sur les parcours professionnels, les carrières et les rémunérations (PPCR), ces derniers ont fait en sorte que l’on ne fusionne pas l’échelon 3 et 4 des fonctionnaires de catégorie C, en raison du coût engendré. S’ils n’avaient pas fusionné seulement l’échelon 4 et 5, peut-être que certaines organisations syndicales auraient été un peu plus favorables au protocole.

Le Premier ministre, Édouard Philippe, a récemment annoncé la mise en place du comité Action publique 2022, chargé de réfléchir à des réformes pour le service public. La concomitance de sa présentation avec la préparation de la consultation sur les missions de service public dans le cadre du “Grand forum de l’Action publique” est évidente. Estimez-vous, comme certains représentants syndicaux, que le ministre de l’Action et des Comptes publics, Gérald Darmanin, vous a menti sur les finalités précises de la consultation prévue des agents et des usagers dans le cadre du Grand forum ?

Je ne dirais pas que le ministre nous a menti. Ce n’était pas clair depuis le début. Mais la circulaire du Premier ministre rappelle très bien que ce forum viendra en complément du comité Action publique 2022. Le ministre a voulu répondre à une demande syndicale en affirmant qu’il y aurait un débat de fond sur le service public, mais celui-ci n’aura pas lieu. Cela ne nous intéresse pas d’être associés au comité tel qu’il est actuellement orienté, à savoir vers l’abandon ou la privatisation de missions. Les membres du comité auront peut-être ce débat de fond, mais il paraît évident que leur potentiel rapport ne sera pas la synthèse de ce qu’auront répondu les agents et les usagers aux questionnaires dans le cadre du Grand forum de l’action publique. De surcroît, le questionnaire à destination des agents est complètement inadapté. Ce n’est qu’une réplique de ce que la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) fait depuis quinze ans, et ce dans la continuité notamment des thèmes évoqués dans le cadre de PPCR. Nous ne sommes pas hostiles, bien sûr, à ce que les agents s’expriment. Mais qu’ils le fassent à titre individuel sur des orientations générales est un peu réducteur. Ce qu’ils connaissent dans leurs services ou départements peut être complètement différent de ce que leurs voisins vivent.

Laurent Vercruysee, le directeur adjoint de cabinet de Gérald Darmanin en charge de la fonction publique, vient de quitter son poste. C’est Alexandre Brugère, jusqu’alors conseiller “réforme de l’État et prospective” au cabinet du ministre, qui récupère le dossier “fonction publique”. Cette réorganisation vous satisfait-elle ?

Dans la mesure où il n’y a déjà plus de ministère de la Fonction publique, que ce soit un directeur adjoint de cabinet ou un conseiller, cela ne nous pose pas de souci, comme tout était déjà au sein du ministère. Le souci majeur reste encore une fois la disponibilité sur ces sujets. Une fois de plus, le cabinet n’aura pas les équipes suffisantes en termes de volume pour traiter à la fois la fonction publique d’État, la territoriale et l’hospitalière. Tout retombera à nouveau sur la DGAFP, dont le courant de pensée est toujours le même. Notre crainte est que cette direction, à l’orientation déjà bien connue, ne change pas le refrain qui est le sien depuis de nombreuses années, à savoir le dogme permanent de fusion des corps, d’interministérialité à outrance, d’allongement des carrières…