Section du LOIRET
 Cité Administrative Coligny - Local FO - Bât F1
131 rue du Faubourg Bannier
45042 ORLEANS Cedex 1
 06-38-04-96-56  fo.drfip45dgfip.finances.gouv.fr

L’administration peut user de larges moyens pour sanctionner ses fonctionnaires discipline

Le tribunal administratif d’Orléans vient de confirmer la sanction d’exclusion temporaire infligée à l’encontre d’une enseignante qui avait rédigé un pamphlet dirigé contre son ancien chef d’établissement et ses anciens collègues. À ses yeux, l’administration avait détourné une correspondance privée pour fonder cette sanction. Faux, répondent les juges.

Image d’illustration générée par Midjourney

Les administrations sont, on le sait, investies d’un pouvoir disciplinaire. Mais pour sanctionner l’un de leurs agents, faut-il encore qu’elles établissent la matérialité des faits justifiant cette sanction. Et, comme vient de le rappeler le tribunal administratif d’Orléans, la "preuve" de ces faits peut être apportée par "tout moyen". Y compris en se basant sur le contenu des correspondances privées de l’agent contre lequel une sanction est envisagée.

Les juges avaient été saisis par une enseignante de lycée qui contestait son exclusion temporaire de fonctions de 18 mois. Une sanction qui faisait suite à la diffusion, par cette fonctionnaire, d’un "pamphlet" dirigé contre son ancien chef d’établissement et plusieurs anciens collègues de cet établissement.

Pour cette enseignante, néanmoins, l’administration ne pouvait se baser sur ce document pour la sanctionner. Certes, elle concédait être l’auteur de ce pamphlet. Mais elle disait aussi ne pas être "à l’origine de sa diffusion par les personnes qui en ont été destinataires". "Une telle diffusion a méconnu la protection des correspondances privées, qui est un principe constitutionnel, et ne peut servir de preuve à l’employeur qui ne peut utiliser le contenu de correspondances privées contre un employé", soutenait la requérante pour contester son exclusion temporaire. Un argument rejeté par les juges.
Pouvoir disciplinaire large

Le tribunal administratif d’Orléans le rappelle dans son jugement du 6 février : "L’autorité investie du pouvoir disciplinaire, à laquelle il incombe d’établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public, peut apporter la preuve de ces faits devant le juge administratif par tout moyen, notamment en relatant elle-même des agissements imputés à l’agent qu’elle a constatés ou qui lui ont été rapportés".

Dans le détail, la fonctionnaire requérante avait rédigé, puis adressé à 80 personnes, "un texte décrivant de manière extrêmement critique, virulente et humiliante le physique, le comportement ou encore la personnalité de son chef d’établissement et de plusieurs enseignants". Des faits qui selon l’administration avaient porté "atteinte à leur honneur", "à leur réputation mais également à l’image du service public de l’éducation nationale" en "créant un émoi au sein de la communauté éducative". Cette sanction précisait aussi que cette enseignante avait "gravement manqué à son obligation de loyauté, à son devoir d’exemplarité ainsi qu’aux obligations de correction et de dignité incombant plus particulièrement aux personnels enseignants".

Pas de déloyauté de la part de l’administration

Ainsi, si la requérante soutenait que "l’administration a détourné une correspondance privée sur laquelle elle ne pouvait se fonder", il ressort toutefois des pièces du dossier "que le pamphlet sur lequel s’est fondée l’administration pour (la) sanctionner lui a été communiqué par l’intermédiaire des demandes de protection fonctionnelle effectuées par les agents visés dans les écrits de la requérante et rendus destinataires indirects du pamphlet", explique le tribunal.

L’administration pouvant "apporter la preuve des fautes reprochées à son agent par tout moyen", la requérante "n’est pas fondée à soutenir que l’administration se serait à tort appuyée sur un document dont elle n’était pas destinataire et aurait ainsi détourné une correspondance privée", développent les juges. Ils ajoutent : "la prise en compte de ce document ne procède d’aucune déloyauté de la part de l’administration, qui a, au contraire, réagi, dans l’intérêt des personnes mises en cause par le pamphlet et ayant sollicité de la part de leur administration le bénéfice de la protection fonctionnelle, pour vérifier les faits portés à sa connaissance et en tirer les conséquences nécessaires".

La requérante soutenait ensuite que "l’utilisation d’un document dont elle n’avait pas l’intention qu’il soit rendu public méconnaît le secret des correspondances privées et ne saurait fonder la sanction en litige". Son pamphlet, a été adressé par voie postale à 80 personnes dont une élue de Blois en charge des affaires scolaires. "Un tel adressage de par ses caractéristiques et de par ses proportions, impliquant nécessairement une potentielle rediffusion à un public plus large, ne peut être regardé comme caractérisant une correspondance privée", concluent les juges en rejetant donc la requête de l’enseignante et en confirmant donc que l’administration peut se baser sur des correspondances privées pour sanctionner un de ses agents.

par Bastien Scordia
19 février 2024,
Acteurs Publics, accéder à l’article initial