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Coût des services publics : avec “En avoir pour mes impôts”, le retour d’un serpent de mer

Le ministre Gabriel Attal a donné le coup d’envoi, le 25 avril, d’une plateforme permettant aux contribuables de “s’informer et d’exprimer leur avis sur l’utilisation qui est faite de leurs impôts”. Un vieil engagement du premier quinquennat Macron agrémenté d’une consultation citoyenne.

“En avoir pour ses impôts”. Voici le nom de la toute dernière opération de communication lancée par le ministre des Comptes publics Gabriel Attal pour répondre au souhait des Français “de connaître et comprendre les dépenses publiques qui sont financées par les impôts qu’ils payent”, et rappeler au passage que le gouvernement actuel a supprimé plusieurs impôts comme la taxe d’habitation et la contribution à l’audiovisuel public. L’opération, qui soulève l’épineux sujet du consentement à l’impôt, se concrétise par la mise en ligne d’une nouvelle plateforme offrant “aux contribuables l’opportunité de s’informer et d’exprimer leur avis sur l’utilisation qui est faite de leurs impôts”.

Gabriel Attal ravive là un projet initié par son prédécesseur Gérald Darmanin lorsqu’il était ministre de l’Action et des Comptes publics. En juin 2019, après la crise des Gilets jaunes, le gouvernement Philippe s’engageait, dans une logique de transparence et d’information sur le lien entre impôts et financement de l’action publique, à mener une expérimentation pour afficher le coût complet des services publics aux citoyens. Une façon de réhabiliter l’impôt et son utilité pour accroître le consentement. Cet engagement s’était heurté à la complexité technique d’un tel chantier de comptabilité analytique.

Expérimentation infructueuse
Dans le Grand Est, une expérimentation de six mois a bien eu lieu en se concentrant sur les domaines de l’éducation et des transports, pour calculer et “afficher en coûts complets réels du service rendu au public pour l’ensemble des administrations publiques (État, collectivités locales, opérateurs, entreprises publiques)”. Mais, “à la lumière de ces travaux, en particulier sur la difficulté de présenter un coût individualisé du service public au niveau local puisqu’opéré par des collectivités et opérateurs divers, selon des modalités financières évidemment différentes selon le territoire”, il a avait finalement été décidé de refondre le site “À quoi servent mes impôts”, nous avait expliqué la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) en 2021.

Ce site a lui-même été lancé en avril 2020 pour afficher le coût des services publics, mais de manière plus générale, en affichant le budget global de l’État et sa répartition. Il était toutefois possible de naviguer sur une carte d’une ville fictive pour cliquer sur son hôpital, son école, son cinéma, etc., pour découvrir des chiffres plus concrets sur le coût moyen d’un passage aux urgences et celui d’une année scolaire pour un élève, ou encore le subventionnement moyen d’un film sorti au cinéma. Exactement comme le propose sa nouvelle version “En avoir pour mes impôts”, mais avec une expérience de navigation moins fluide et léchée.

Consultation citoyenne
La seule nouveauté apportée à la plateforme, outre le changement de nom, ce n’est finalement que la démarche de consultation publique. Une opération “participative” minimaliste qui se résume à un questionnaire en ligne, avec questions et réponses prédéfinies. “De façon générale, diriez-vous que vous payez actuellement : trop d’impôts, le juste niveau d’impôts, pas assez d’impôts, ou sans opinion ?” Voici la toute première question de ce qui n’est rien de plus qu’un sondage, qui interroge ensuite les Français sur leur perception, compréhension et connaissances autour des impôts et des dépenses publiques : “Payer des impôts, est-ce plutôt un motif de… fierté, indifférence, résignation… ?” “Avez-vous le sentiment que les impôts en France… ont beaucoup baissé, sont restés stables, ont beaucoup augmenté ?” “Quels sont les 3 postes de dépenses les plus élevés aujourd’hui ?” Il leur demande également s’ils seraient favorables à un “impôt universel de quelques euros” ou encore de noter la qualité des principaux services publics. Les résultats de cette consultation seront rendus publics à l’été, indique Bercy, sans rien laisser présager de la suite qui lui sera donnée.

Transparence ou démagogie ?
Dès son lancement, la démarche a attiré son lot de critiques. Sur Twitter, la cofondatrice du cercle de réflexion Le Sens du Service public, Émilie Agnoux, fustige un projet “populiste, trompeur et périmé” et “une instrumentalisation citoyenne au service d’une vision politique bien définie”. Selon cette responsable publique territoriale, “la stratégie de com ‘en avoir pour ses impôts’ trahit une vision purement économique de rentabilité. Or, les services publics n’ont pas à être rentables ! Prendre cet angle, c’est un choix politique et idéologique. Le fameux ‘ça nous coûte un pognon de dingue‘”.

“Les Français pourront savoir où va leur argent et dire ce qu’ils attendent de leurs impôts”, a de son côté tweeté le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques Stanislas Guerini. Le syndicat majoritaire des Impôts salue quant à lui l’intention de mieux faire connaître l’utilité de l’impôt. Mais, “si aujourd’hui, le consentement à l’impôt est écorné, c’est principalement du fait de l’existence de multiples mesures fiscales injustes et inégalitaires”, tranche Solidaires Finances publiques dans un communiqué. Pour l’organisation syndicale, “il ne suffit pas d’expliquer le rôle de l’impôt”, mais “refondre le système fiscal”, notamment pour y introduire plus de progressivité et supprimer les niches fiscales “qui ont un coût exorbitant pour la collectivité et qui sont inefficaces sur le plan économique”.

PAR EMILE MARZOLF
26 avril 2023
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