Désignation du chef-lieu et du nom des nouvelles régions
Le chef-lieu provisoire des nouvelles régions sera déterminé en 2015 par décret après consultation des conseils régionaux existants et organisation d’un débat avec les représentants des collectivités territoriales et de la société civile.
Après les élections régionales de décembre 2015, le conseil régional nouvellement élu pourra tirer les conséquences de ce débat pour proposer au gouvernement le choix d’un chef-lieu définitif ainsi que le nom qui lui semblera le plus adapté à la nouvelle région. Ceux-ci seront ensuite fixés par décret. Le nom de chaque nouvelle région, exception faite de la Normandie, sera provisoirement constitué de la juxtaposition, dans l’ordre alphabétique, des noms des régions regroupées. Le chef-lieu provisoire est fixé par décret pris avant le 31 décembre 2015, après avis du conseil municipal de la commune envisagée comme siège du chef-lieu et des conseils régionaux intéressés. L’avis de chaque conseil régional est rendu après consultation du conseil économique, social et environnemental régional et après concertation avec les représentants des collectivités territoriales, des organismes consulaires et des organisations professionnelles représentatives. Ces avis sont réputés favorables s’ils n’ont pas été émis dans un délai de trois mois à compter de la transmission du projet de décret par le Gouvernement.
Enfin, le nom et le chef-lieu définitifs de la nouvelle région sont fixés par décret en Conseil d’Etat pris avant le 1er octobre 2016, après avis du conseil régional de la région.
Aussi, le conseil régional adopte, avant le 1er juillet 2016, une résolution unique comportant :
1° L’avis au Gouvernement relatif à la fixation du nom définitif de la région ;
2° L’avis au Gouvernement relatif à la fixation du chef-lieu définitif de la région ;
3° L’emplacement de l’hôtel de la région ;
4° Les règles de détermination des lieux de réunion du conseil régional et de ses commissions ;
5° Les règles de détermination des lieux de réunion du conseil économique, social et environnemental régional et de ses sections ;
6° Le programme de gestion des implantations immobilières du conseil régional.
Cette résolution ne peut prévoir qu’une même unité urbaine regroupe le chef-lieu proposé, l’hôtel de la région et le lieu de la majorité des réunions du conseil régional que si elle est adoptée à la majorité des trois cinquièmes des membres du conseil régional. A défaut de résolution unique adoptée, les avis sont réputés favorables et les délibérations fixant l’emplacement de l’hôtel de la région et les lieux de réunion du conseil régional ne peuvent prévoir qu’ils sont situés dans la même aire urbaine que le chef-lieu.
Effectif des nouveaux conseils régionaux
La réduction du nombre d’élus prévue dans le projet de loi n’a finalement pas été adoptée. Leur nombre aurait été plafonné à 150 par conseil régional, impliquant une réduction dans certaines assemblées élues fin 2015, comme l’Ile-de-France (208 conseillers régionaux). Dans un premier temps, la commission des lois de l’Assemblée nationale avait partagé la position initiale du Gouvernement en maintenant ce plafonnement à 150 du nombre de conseillers régionaux, y compris pour les régions dont les limites territoriales n’étaient pas modifiées (article 6).
Cependant, en séance publique, à l’initiative du rapporteur et avec l’accord du Gouvernement, l’Assemblée nationale a supprimé tout plafonnement du nombre des élus régionaux. Cette décision aboutit à maintenir le nombre actuel de conseillers régionaux en métropole, soit 1671 élus.
Il est également prévu dans la loi que chaque département dispose d’un nombre minimal dans l’assemblée régionale. L’Assemblée nationale a porté de deux à quatre le nombre minimal de conseillers régionaux élus par département – sauf dans les départements comptant moins de 100 000 habitants, dans lesquels le plancher demeure fixé à deux conseillers régionaux.
En effet, les caractéristiques du mode de scrutin actuel font que le nombre d’élus de chaque section départementale composant les listes régionales varie d’une élection à l’autre, en fonction du nombre de votants dans chaque département concerné. Ce mode de scrutin ne garantissant ainsi aucun nombre minimal de sièges à chaque département d’une région, il est possible qu’un département ne bénéficie d’aucun élu au sein du conseil régional.
Afin d’éviter qu’une telle situation inédite à ce jour se produise, la loi vise dans sa rédaction à garantir que, dans chaque région, le nombre d’élus au titre d’un département ne puisse être inférieur à un certain seuil.
Le droit d’option des départements
L’introduction de ce droit d’option a été faite par le biais d’un amendement du président du groupe socialiste au Sénat. Après le rejet du texte par le Sénat, l’amendement est revenu devant l’Assemblée par le dépôt d’un amendement identique par un député socialiste.
Plusieurs départements pourront demander à être regroupés (art. L. 3114-1 CGCT) ; un département et deux régions contiguës pourront demander une modification des limites régionales visant à inclure le département dans le territoire d’une région qui lui est limitrophe (art. L. 4122-1-1) ; plusieurs régions pourront demander à être regroupées en une seule (art. L. 4123-1) ; enfin, une région métropolitaine et les départements qui la composent pourront demander à fusionner en une unique collectivité territoriale (art. L. 4124-1).
Du fait de la volonté du gouvernement de reporter les élections régionales de mars à décembre 2015, ce droit d’option ne s’exercera qu’à partir du 1er janvier 2016. Le recours à ce droit d’option sera en outre limité au 1er mars 2019, afin que les élections régionales prévues en 2020 aient lieu dans un périmètre stabilisé.
Le texte modifie ainsi le mécanisme pour permettre à un département de changer de région en abrogeant la condition du référendum local : un amendement supprime la condition de référendum dans l’ensemble des collectivités concernées pour la remplacer par une majorité des trois cinquièmes du conseil général du département concerné ainsi que des deux conseils régionaux concernés.
Pour les députés bretons pouvant souhaiter d’une réunification de la Bretagne à cinq départements en y incluant la Loire-Atlantique, actuellement au sein des Pays-de-la-Loire, cette majorité équivaut à un verrou législatif.
Mais, en dépit de nombreux amendements, ils ont échoué à ramener le seuil de ce droit d’option à 50%.
Bien que ces initiatives soient bien encadrées par recours aux majorités qualifiées et aux quorums et que la décision finale relève, dans un cas de la loi, dans les autres du décret en Conseil d’Etat, le risque d’altération de la réforme est réel. C’est donc une carte des régions différente qui pourrait résulter de ces mouvements.
Les conséquences financières et matérielles de la réforme
Le gouvernement espère réaliser au moins 12 Mds d’économies en dix ou quinze ans grâce à cette réforme : « Si l’on économise 5 % sur les 250 milliards d’euros que représentent l’ensemble des budgets locaux – communes, intercommunalités, syndicats intercommunaux, départements, régions –, on réalise 12 milliards d’euros d’économies, à moyen terme, sur plusieurs années, après une réforme globale, évidemment. Certains, plus optimistes, parlent d’aller jusqu’à 10 %, c’est-à-dire 25 milliards d’euros, mais je m’en tiens à l’objectif, plus raisonnable et plus réaliste, de 5 % à moyen terme, sur au moins cinq années ». Début juin 2014, le secrétaire d’Etat à la réforme territoriale avait également chiffré les économies possibles : « si en dix ans, on n’a pas réussi à dégager 5% d’économies sur le fonctionnement de cette organisation complexe, on n’aura pas réussi notre réforme. Mais ce n’est pas l’objectif de cette réforme. Les économies ne seront qu’une conséquence de la réforme. La réforme a trois objectifs : la clarté, la compétitivité et la proximité ».
Le Premier ministre s’est par ailleurs employé à rassurer les élus locaux, inquiets de la baisse des dotations versée par l’État aux collectivités, en promettant de mieux défendre les territoires les plus fragiles.
Sur le volet des dotations versées par l’Etat aux collectivités, qui doivent baisser de 11 Mds sur une centaine actuellement d’ici à 2017, un groupe de travail permanent avec les élus et trois membres du gouvernement a été créé.
La péréquation devrait être renforcée. Une priorité sera également donnée aux investissements des collectivités.
Par ailleurs, la fusion de régions « n’entraînera pas de transferts massifs de personnel », même s’il n’y aura bien qu’une capitale par nouvelle région créée, a souligné André Vallini.
Dans les cas de regroupement de régions, « les services (administratifs, techniques, etc.) vont demeurer là où ils sont actuellement. Seuls les bureaux de l’exécutif et l’hémicycle du conseil régional seront en un seul lieu », a déclaré M. Vallini, devant l’association des journalistes parlementaires.
Prenant comme exemple la fusion Auvergne et Rhône-Alpes, si Lyon en est la capitale, l’hémicycle de l’hôtel de région de Clermont-Ferrand, tout juste inauguré, pourra toujours accueillir des sessions décentralisées du conseil régional ou d’autres forums, a-t-il souligné.
M. Vallini a reconnu que la seule réforme des régions ne « générerait pas des économies considérables » même « si, à moyen terme, il y aura des économies d’échelle sur les fonctions support » (logistique, informatique, ressources humaines, etc.).
Les économies viendront surtout à long terme « des transferts de compétences des conseils généraux » vers les régions et les intercommunalités et surtout de la simplification du bloc communal (réduction du nombre de syndicats de communes, mutualisation communes-intercommunalités, etc.).
La réforme territoriale ne devrait pas au final diminuer le nombre de fonctionnaires, a-t-il dit.
« Si on se contente de stabiliser les effectifs de la fonction publique territoriale (1,9 million) au lieu d’une croissance moyenne de 1,6% ces dernières années, on pourrait économiser sur cinq ans plus de 5 milliards d’euros », a-t-il affirmé.
Selon Force Ouvrière
Pendant deux siècles, la République, une et indivisible, a pu concilier l’unité et l’action de l’Etat et l’exercice le plus libre possible de la démocratie locale, avec parmi les garde-fous le respect de l’égalité de droits. Jusque dans les années 60, le choix de Régions aux tailles réduites et humaines intégrait ces principes. Y compris parce que « plus c’est grand, plus c’est communautariste et identitaire ». La logique qui a concouru au choix des 22 régions était d’arriver à des « tailles humaines et anti-communautaristes ».
En 48 heures d’arbitrages en catimini, sans concertation ni du Parlement, ni des exécutifs concernés (Conseils régionaux et Conseils généraux), en privilégiant des intérêts politiciens, le Président de la République a réorganisé, seul, la République et déterminé un passage de 22 Régions métropolitaines à 14, puis à 15, pour terminer à 13.
Conformément aux injonctions de la Commission européenne, le chef de l’Etat justifiait d’ailleurs qu’elles « seront ainsi de taille européenne ». L’argument de la taille ne résiste d’ailleurs pas à une comparaison objective (le plus petit Landërs allemand en nombre d’habitant est par exemple moins peuplée que la moins peuplée des régions françaises).
C’est donc, comme Force Ouvrière le dénonce depuis octobre 2012, une organisation de la République en fédération de Régions, très autonomes (y compris vis-à-vis du droit national) aux pouvoirs d’adaptations locales, et s’intégrant dans le modèle d’une « Europe de grandes Régions » défendu par la Commission européenne.
A l’issue d’un processus qui aura vu renaitre des communautarismes d’un autre âge, le Parlement vient d’arrêter une organisation à 13 Régions. On peut s’étonner et s’offusquer du déni démocratique de la procédure : par exemple, le référendum local, obligatoire jusqu’à maintenant en cas de fusion ou regroupement de collectivités territoriales et qui a notamment permis aux alsaciens de bloquer la mise en œuvre du projet de collectivité unique d’Alsace en 2013 [2], a été supprimé par la réforme territoriale. Le changement de région par un département limitrophe est possible. On pourrait donc voir apparaître dans le temps des velléités de sécessions régionales pour des raisons communautaires ou même financières voir fiscales.
Alors que l’Etat se régionalise lui aussi (à noter que le regroupement de Régions conduira aux mêmes effets sur l’organisation de l’Etat qui se retirera encore un peu plus loin de l’usager : Matignon a d’ailleurs demandé aux Préfets des régions Bourgogne et Franche-Comté de préfigurer l’adaptation régionale de l’Etat à la future grande région), l’éloignement de l’exécutif régional va entrainer, à chaque fois, une accessibilité réduite au nouveau « siège de la grande Région » surtout pour les zones les plus périphériques, et avec un « nombre d’élus plus limité », comme le précise de Président de la République.
Evidemment, comme toujours dans cet acte III, le nombre de 13 n’est pas encore stabilisé… Il y aura des débats locaux et des « droits d’options ». Mais à la limite, l’essentiel n’est pas que le nombre de Régions se stabilise finalement à 13, 14 ou 15. Ce qui est grave est le fait qu’elles deviennent autonomes sur les plans normatif et règlementaire.
Elles disposeront de moyens financiers propres (impôts locaux spécifiques supplémentaires [3] dès 2016) mais aussi de pouvoirs normatifs et réglementaires.
Ces nouvelles baronnies régionales auront en effet les pleins pouvoirs sur presque toutes les missions publiques jusqu’alors de la responsabilité de l’Etat. Et pour le gouvernement « il s’agit également d’inviter le législateur comme le pouvoir réglementaire national, à laisser aux régions des marges de manœuvre dans l’application des lois, soit en s’abstenant d’intervenir soit en habilitant expressément les Régions à adapter les règles ». Pour Force Ouvrière, cela serait contraire à l’article 72 de la Constitution.
Rappelons par exemple que l’un des premiers arguments des élus locaux d’Alsace qui prônaient une « collectivité territoriale unique d’Alsace » était de pouvoir adapter le code du travail et le Smic afin de pouvoir être compétitif face à leurs voisins allemand et suisse !
Force Ouvrière s’oppose à cette balkanisation de l’action publique qui conduirait à autant de politiques (y compris sociales) et de droits que de Régions. 13 Régions et 13 Smic différents ou 13 RSA différents. C’est l’unicité de la République et l’égalité de droit qui sont en jeu.
Les impacts seront donc tant sur l’éloignement des services publics (Territoriale, Etat et Hospitalière y compris leurs établissements publics) devant encore s’éloigner des usagers et « du terrain » pour épouser les 13 grandes régions. Les effets seront aussi importants pour les politiques publiques ou sur l’organisation de la vie de tous les jours (calendrier des vacances scolaires par exemple). L’ensemble des institutions de niveau régional sera concerné, et notamment les CESER qui devront fusionner et réduire probablement le nombre de conseillers [4]. Au-delà, l’ensemble des structures para-publiques adossées aux Régions vont être directement touchées par ces regroupements : Sociétés d’économie mixte régionales (par exemple dans le domaine du développement économique ou du tourisme), Groupement d’intérêt public régionaux, associations (par exemple les associations agréées de surveillance de la qualité de l’air). Même sans être adossées directement au portage de politiques publiques locales, de nombreuses structures privées et associatives sont organisés régionalement. Cette fusion des régions touchera donc aussi l’emploi privé sans aucune évaluation préalable.
La décision du Conseil constitutionnel n° 2014-709 DC du 15 janvier 2015, Loi relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral
Par décision du 15 janvier 2015, le Conseil constitutionnel a déclaré conforme à la Constitution l’essentiel de la loi relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.
Dans sa décision n° 2014-709 DC du 15 janvier 2015, le Conseil constitutionnel a jugé que la procédure d’adoption de la loi déférée n’était pas contraire à la Constitution et que l’article 11, introduit par amendement en première lecture à l’Assemblée nationale, présentait un lien avec les dispositions du projet de loi initial et avait donc sa place dans cette loi.
Le Conseil constitutionnel a jugé l’article 6, relatif aux règles de réattribution des sièges entre sections départementales pour les élections régionales, conforme à la Constitution.
Une seule disposition de la loi est censurée. Le Conseil constitutionnel a censuré d’office, comme contraire au principe d’égalité des candidats devant le suffrage, une disposition de l’article 10 (3° du paragraphe I) reportant, pour les élections départementales de mars 2015, au 17 septembre 2014 la date à compter de laquelle l’article L. 52-8-1 du code électoral est applicable.
Elle porte sur l’une des mesures prises pour remédier aux hésitations qui ont entouré la fixation du calendrier électoral. La loi prévoit qu’un certain nombre de règles en matière de financement des campagnes ne s’appliquent aux candidats aux élections départementales de mars prochain qu’à compter du 17 septembre 2014. S’il ne s’oppose pas au principe, le Conseil constitutionnel refuse que soit incluse parmi ces règles l’interdiction pour les parlementaires candidats d’utiliser pour leur campagne l’indemnité représentative de frais de mandat (art. L. 52-8-1 du code électoral). Pour le juge constitutionnel, les dispositions du 3e du paragraphe Ier de l’article 10 de la loi déférée « instaurent, entre les candidats aux élections départementales qui sont membres du Parlement, selon qu’ils avaient ou non utilisé conformément à leur destination les indemnités et les avantages en nature mis à leur disposition pour couvrir les frais liés à l’exercice de leur mandat, des différences de traitement qui méconnaissent le principe d’égalité des candidats devant le suffrage ».
En revanche, le Conseil rejette les moyens qui l’invitaient à juger que le gouvernement était tenu de consulter les régions et les départements préalablement au dépôt ou à l’adoption du projet. Suivant sa jurisprudence constante, il refuse d’examiner la conformité de la procédure aux stipulations de la Charte européenne de l’autonomie locale. Quant à l’article 72-1 de la Constitution (« Lorsqu’il est envisagé de créer une collectivité territoriale dotée d’un statut particulier ou de modifier son organisation, il peut être décidé par la loi de consulter les électeurs inscrits dans les collectivités intéressées. La modification des limites des collectivités territoriales peut également donner lieu à la consultation des électeurs dans les conditions prévues par la loi »), ni ses dispositions « ni aucune autre exigence constitutionnelle n’imposent la consultation des collectivités territoriales préalablement au dépôt d’un projet ou à l’adoption d’une loi modifiant leurs délimitations territoriales ».
Achevé de rédiger le 24 février 2015