Section du LOIRET
 Cité Administrative Coligny - Local FO - Bât F1
131 rue du Faubourg Bannier
45042 ORLEANS Cedex 1
 06-38-04-96-56  fo.drfip45dgfip.finances.gouv.fr

Mobilisation contre la réforme des retraites, préparation du 7 mars : interview du secrétaire général de la Confédération, Frédéric Souillot

1- Quelle analyse peut-on faire de la contestation quand, depuis le 19 janvier, le mouvement est d’ampleur dans les petites villes de province, que beaucoup de salariés non-syndiqués y participent et qu’une pétition a recueilli plus d’un million de signatures ?

Ce que l’on sait, que l’on avait ressenti et que l’on a eu l’occasion de dire à l’exécutif, c’est que ce projet de réforme des retraites qui demande à tout le monde de travailler plus longtemps, les travailleurs — qu’ils soient adhérents syndicaux ou non —, n’en veulent pas. Aujourd’hui, ce serait seulement aux travailleurs, aux salariés de payer la facture. Personne d’autres, puisque le projet ne change rien sur la conditionnalité des aides publiques aux entreprises et ne remet pas la justice sociale au centre des choses. L’exécutif dit que cette réforme est impérative, inéluctable… Alors même que pour le COR, les dépenses sont maîtrisées et qu’il faudrait plutôt regarder du côté des recettes. Donc les travailleurs, les salariés ne comprennent pas que l’exécutif leur dise quand même « non mais il y aura un problème » !

Notre système de protection sociale collective n’a pas de problème d’équilibre. Si de temps en temps apparaît un déficit, c’est parce que l’État ne joue pas son rôle d’État responsable et ne compense pas les aides publiques qu’il accorde aux entreprises. Tous les ans ou encore à chaque nouveau quinquennat, on entend, quels que soient les exécutifs en place : « mais quelles nouvelles aides publiques peut-on faire aux entreprises ? » et ils en trouvent une nouvelle à chaque fois ! On nous a vendu les aides publiques pour le grand bien de l’attractivité de la France et de sa balance du commerce extérieur, or cette balance est encore très déséquilibrée. Alors à quoi ont servi toutes ces aides publiques ?! En tout cas pas à réinvestir en France, pas à maintenir l’emploi, pas à relocaliser, pas à réindustrialiser.

Quant à l’attractivité des métiers, cela demeure comme avant le Covid : les mêmes emplois précaires, c’est-à-dire pas à temps plein et payés au Smic. Et il faut en cumuler deux ou trois pour parvenir à une semaine de 35 heures, avec un salaire de Smicard. Donc, et je l’ai dit plusieurs fois, puisque l’on nous parle tout le temps de l’évaluation des lois, il faudrait faire une évaluation de ce qu’induirait la conditionnalité des aides publiques aux entreprises.

La réforme des retraites ne prend pas la situation par le bon bout. Ce à quoi il faut s’intéresser, c’est l’emploi : comment on rentre dans l’emploi, comment on en sort… Et on parle d’emplois pérennes, en CDI et pas au Smic toute la vie. Car si l’on peut se targuer d’être un des rares pays européens où il y a un Smic, être au salaire minimum toute sa vie, toute sa carrière, sans compter les aléas dus aux pertes d’emplois, ne permet pas de construire sa vie.

Dans ce projet de réforme des retraites, l’index sénior, quant à lui, n’apportait rien. Car s’il n’y a pas de conditionnalité, pas de sanctions des entreprises, si on met cet index sur le même plan que l’index égalité, on voit le résultat. Aujourd’hui il y a encore un écart de 22% entre les salaires des femmes et des hommes. Or, l’égalité salariale est tel un outil permettant d’apporter des recettes à notre protection sociale collective. Si les femmes étaient payées comme les hommes —à travail égal, salaire égal—, six milliards d’euros supplémentaires par an iraient à notre système de retraite par répartition, et je ne parle pas des recettes que cela apporterait à notre protection sociale collective en général.

Mais l’article 2 (sur l’index sénior), non adopté, cela montre aussi une chose : il y a eu là une majorité à l’Assemblée nationale. Pour certains, c’était dire « il ne faut pas mettre de contraintes aux employeurs ». Cet index ne servait à rien, donc qu’il ne soit pas voté, ce n’est pas un sujet pour FO. Néanmoins, ce que cela montre, c’est que la moindre contrainte sur les employeurs, sur les entreprises, est rejetée par certains.

2 - En quoi consiste la France à l’arrêt de 7 mars. Quelles sont les modalités ? Et les jours suivants, quelles perspectives ? Une reconduction ?

Depuis le 19 janvier, on a eu des millions de personnes dans la rue, mais l’exécutif a balayé cela d’un revers de main, il a regardé ailleurs. Or, où que l’on regarde en France, la mobilisation est massive, déterminée, notamment en province, dans les petites villes rurales où parfois, souvent d’ailleurs, il y a plus de manifestants que d’habitants dans la ville ! Le 10 janvier en intersyndicale — et il n’a manqué aucune organisation —, on l’avait dit à l’exécutif, à la Première ministre, que nous allions mobiliser. Des mobilisations syndicales, y compris par la grève, avec des manifestations, sans heurts, encadrées… On avait dit cela en pensant — et ce n’était pas de la naïveté — que l’exécutif, à commencer par le président de la République, verrait et entendrait. Mais comme il ne voit pas et il n’entend pas, nous devons passer à la vitesse supérieure, au durcissement de notre mouvement.

Partout où nous allons, tous les contacts que nous avons —avec des sections syndicales, des syndicats, avec des adhérents isolés, parfois avec des citoyens hors du champ syndical, par exemple dans notre microcosme familial—, tous nous disent : « il faut bloquer le pays, il n’y a que comme cela qu’ils nous entendront ». Donc en intersyndicale — et il n’y a aucun gravier dans cette intersyndicale, laquelle est déterminée —, on a décidé de mettre la France à l’arrêt le 7 mars. Et le 11 février, d’ailleurs je lisais le communiqué de l’intersyndicale, c’est avec solennité que l’on a dit : vous voyez, on vous avait dit qu’on mobiliserait. Nous l’avons fait. Vous ne nous voyez pas, vous ne nous entendez pas ? On va vous montrer aussi ce qui se passe en province et c’est pourquoi nous avons mis un coup de projecteur sur Albi le 16 février.

Le 7 mars, on mettra la France à l’arrêt. Pourquoi on dit cela ? Parce que tous les salariés et d’autres, tous ceux qui viennent dans nos manifestations, — les indépendants, autoentrepreneurs, agriculteurs, artisans, commerçants qui viennent parfois avec leurs salariés… — toutes ces personnes nous disent : on n’en veut pas de la réforme, on ne peut pas travailler deux ans de plus. La verticalité [du pouvoir, NDLR] qui pense que l’on est tous à la start-up nation, eh bien non, ce n’est pas cela le monde du travail ! On savait déjà que l’exécutif ignorait ce qu’est le monde du travail. Aujourd’hui, on en a la preuve. Il montre qu’il ne sait pas ce que c’est quand il déclare « il faut aller travailler plus longtemps ».

En vue du 7 mars, j’ai réuni nos fédérations le 15 février. Et, sur la France à l’arrêt le 7 mars, il y a un accord unanime. Pour les salariés, les travailleurs, cela signifie arrêter de travailler. Pour les indépendants et les autres, cela signifie aussi arrêter de travailler. Cela commencera même dès le 6 mars, voire le 5 au soir, pour le secteur du bâtiment notamment [pour les salariés partant en grand déplacement professionnel, NDLR]. Nous allons profiter de cette période, du 16 février à la fin du mois, pour expliquer l’importance de cette action. Car la grève ne se décrète pas, elle se construit. Lire la suite…