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Vers une systématisation des échanges de données entre administrations

Le coup d’envoi réglementaire de « l’administration proactive » se profile

Un projet de décret est à l’étude pour généraliser l’échange de données entre administrations et ainsi faciliter la mise en œuvre du « Dites-le-nous une fois » et de « l’administration proactive ». La Cnil ne s’est pas encore prononcée sur le texte.

Coup d’accélérateur en vue pour la circulation des données entre administrations. Le gouvernement est en train de préparer un décret afin d’instaurer l’échange généralisé d’informations sur les usagers entre les administrations. Et de permettre à ces dernières d’informer proactivement les usagers de leur éligibilité à telle ou telle prestation ou aide et ainsi de lutter contre le non-recours aux droits. Cette mesure est prise en application de la loi 3DS, promulguée en début d’année, et de son article 162, adopté pour « accélérer l’échange de données entre administrations au profit de l’usager ».

Ce projet de décret a été examiné par le Conseil national d’évaluation des normes au début du mois, avant que la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) ne se prononce à son tour. Il intervient au bout d’un long processus de décloisonnement des administrations et de leurs données pour simplifier la réalisation des démarches.

En 1994, la loi Madelin posait les fondements de ce qui allait devenir le « Dites-le-nous une fois », en permettant aux entreprises de ne pas communiquer à nouveau une information déjà communiquée aux organismes de protection sociale. Ce principe de non-redondance est ensuite inscrit dans le droit en 2001, puis considérablement renforcé avec la loi Lemaire de 2016, puis avec la loi « pour une société de confiance » de 2019 : impossible désormais pour les administrations d’invoquer le secret professionnel pour ne pas communiquer de données à une autre administration. Mais la liste des pièces justificatives que les usagers n’ont plus à transmettre doit impérativement encore être définie par un décret pris en Conseil d’État.

La règle plutôt que l’exception

C’est cette dernière barrière que la loi 3DS a fait sauter en inversant la logique. Le partage des données n’est plus une exception qui doit dûment être justifiée, mais bien la règle par défaut. Auparavant, chaque domaine, procédure et donnée pouvant être partagé devait être défini par décret en Conseil d’État. Désormais, on part du principe que toute donnée et tout justificatif peuvent être partagés, dès lors qu’il s’agit de « traiter une demande présentée par le public ou une déclaration transmise par celui-ci en application d’une disposition législative ou d’un acte réglementaire ». Ou bien, et c’est l’une des grandes nouveautés de la loi 3DS, dès qu’il est question « d’informer les personnes sur leur droit au bénéfice éventuel d’une prestation ou d’un avantage prévus par des dispositions législatives ou des actes réglementaires » et même de leur attribuer automatiquement ces prestations ou avantages.

Un partage d’informations qui ne doit pas pour autant se faire au détriment des usagers. « Ces échanges ne peuvent être ultérieurement utilisés à d’autres fins, en particulier pour la détection ou pour la sanction d’une fraude », précise la loi. Par ailleurs, les usagers peuvent toujours s’opposer au partage de données ou demander une rectification en cas d’erreur, et même demander à produire eux-mêmes les informations nécessaires. Pour ce faire, l’ensemble des échanges de données mis en œuvre par les administrations seront rendus publics par arrêté, de même que le fondement juridique de chacune de ces interconnexions.

Cet échange de données généralisé présente de nombreux avantages pour simplifier et sécuriser la réalisation des démarches en ligne : en supprimant la collecte et l’analyse des pièces justificatives auprès des usagers, en complétant les dossiers avec des informations récupérées « à la source » auprès de l’administration de référence et donc plus fiables. Il en va de même pour les collectivités, qui pourront bénéficier d’informations sûres directement transmises par les administrations de l’État.

Il ouvre surtout la voie à la « solidarité à la source » voulue par Emmanuel Macron comme chantier phare de « l’administration proactive », qui va au-devant des besoins des usagers en leur proposant par avance des aides ou prestations auxquelles ils ont droit, puis en les leur versant automatiquement, une fois qu’ils ont donné leur feu vert. Une figure historique de la dématérialisation des démarches attend d’ailleurs beaucoup du décret, pour rendre enfin effectif ce nouveau droit, qui pourrait renverser la relation entre administrations et usagers : « La question, désormais, est de savoir si un usager pourra un jour aller au tribunal se plaindre de ne pas avoir bénéficié d’un droit au prétexte que les administrations connaissaient sa situation » s’interroge-t-il. (sic)

Par Emile Marzolf, acteurspublics.fr du 18.10.2022