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« La dématérialisation doit rester un mode complémentaire et non substitutif des autres modes de contact avec l’administration » (sic) prône un collectif de hauts fonctionnaires !

Des propositions pour une dématérialisation « réussie »

« Le solutionnisme technologique ne fait pas une politique », déplore le collectif de hauts fonctionnaires « Le Sens du service public » dans une note sur la dématérialisation des services publics. Ses membres insistent sur la nécessité de coconstruire le service public numérique avec ses usagers et de resserrer la coopération entre les administrations.

Vingt-deux pourcents des Français n’ont chez eux ni ordinateur ni tablette, et 15 % n’ont même pas de connexion Internet. Pour ces citoyens, la dématérialisation peut virer au cauchemar et renforcer leur sentiment d’abandon. Fort de ce constat, qui n’est plus nouveau et n’est d’ailleurs plus ignoré par le gouvernement, le collectif Le Sens du service public pousse ses solutions non pas pour compenser les effets indésirables de la dématérialisation, mais pour mener une vraie politique en la matière.

« Le sujet dématérialisation ne se résume donc pas aux seuls exclus du numérique – il touche aussi les plus jeunes générations – même si les publics les plus fragiles socialement sont aussi ceux qui sont le plus en lien avec les administrations, car ils en ont le plus besoin. Il touche surtout et avant tout à la nature des relations humaines et administratives », estime le collectif dans une note publiée dimanche 16 octobre. Celui-ci décline ses principes pour une dématérialisation « réussie » : halte au tout-numérique, la dématérialisation doit rester un mode complémentaire et non substitutif des autres modes de contact avec l’administration ; la dématérialisation doit s’accompagner du redéploiement d’agents sur le terrain ; et l’ensemble des services publics doivent associer les usagers à leur conception et à leur amélioration, qu’ils soient numériques ou non.

Des règles de bon sens que le gouvernement a apprises à la faveur, notamment, du mouvement des « gilets jaunes ». La promesse du « 100 % dématérialisé » avancée par le candidat Macron en 2017 s’est progressivement affinée pour faire davantage de place aux exclus du numérique et aux profils qui ne rentrent pas dans les cases des formulaires : lancement du « plan téléphone » pour que chaque démarche en ligne fasse l’objet d’un support téléphonique, déploiement des maisons France services, attention portée à l’ergonomie et à l’expérience utilisateur à travers « l’Observatoire des démarches en ligne » et le programme « Services publics + ».

Proximité avec les Français et leurs usages

Le Sens du service public propose de redoubler d’efforts sur chacun de ces axes et d’adapter le service public davantage à la situation et aux habitudes des usagers. Si 84 % d’entre eux ont un smartphone, il faut « développer de nouveaux outils en prenant appui sur l’usage du smartphone (y compris SMS) et des messageries instantanées, et suppléer ou compléter l’usage du mail et les démarches uniquement sur ordinateur », plaide le collectif. Vingt-deux pourcents des Français n’ont ni ordinateur ni tablette ? Il faut « soutenir et organiser nationalement et localement les filières de réemploi, de récupération et de distribution de matériel auprès des publics cibles ».

Un quart des Français ont le sentiment de vivre dans un territoire délaissé par les pouvoirs publics ? Il faut développer les dispositifs « d’aller-vers », comme les bus France services, et donner « une priorité absolue au renforcement des agents de terrain qui sont au contact direct des citoyens et renforcer les effectifs des agents de guichet dans les administrations, à commencer par ceux des préfectures ». Le collectif fait siennes de nombreuses propositions émises par le défenseur des droits. Il veut notamment faire évoluer la loi pour obliger les administrations à proposer un accès multicanal au service public, et même créer un « droit au papier » pour certains droits et démarches, comme les notifications d’attribution, de suppression ou de révision de droits comportant des délais et voies de recours.

Ateliers de tests en amont

Le collectif invite également à davantage associer les utilisateurs que sont les usagers à la coconception des services numériques et à ne plus se contenter de dématérialiser des démarches papier : en simplifiant d’abord les procédures et en se mettant toujours dans la peau de l’usager avant toute numérisation ou bien en associant les usagers via des ateliers d’idéation et de tests.

Les administrations ne sont pas hermétiques à ces méthodes, qui se développent depuis plusieurs années sous l’impulsion de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) et de celle du numérique (Dinum) notamment, mais de manière trop dispersée. « La dématérialisation se heurte régulièrement à la fragmentation des acteurs publics. De plus, la dépendance des administrations aux éditeurs est source de surcoûts importants pour les deniers publics comme de solutions technologiques inadaptées aux besoins », pointe le collectif.

Coopération entre administrations

Il préconise de « renforcer les partenariats le plus en amont possible entre administrations pour fluidifier le parcours des usagers des services publics et faciliter in fine l’interopérabilité des dispositifs », notamment grâce à l’échange de données, mais aussi de donner davantage de visibilité sur les financements publics de la transformation numérique, aujourd’hui très dépendante des appels à projets. Cette logique « ne permet pas forcément de développer des stratégies intégrées et de long terme, et favorise au contraire les logiques de court terme, les réponses en silos et les effets d’aubaine en matière de projets de numérisation ».

Les propositions du collectif ne sont pas tout à fait opérationnelles et relèvent même souvent du bon sens, c’est pourquoi il appelle avant tout le gouvernement à dresser le bilan « objectif et sincère » de la dématérialisation des services publics conduite sans discontinuer et sans remise en cause depuis vingt ans. Mais aussi à prendre le temps de coconstruire les services publics numériques de demain. En somme à (re)penser la relation du service public avec l’usager à l’heure du numérique. (sic)

Par Emile Marzolf, acteurspublics.fr le 17.10.2022