Section du LOIRET
 Cité Administrative Coligny - Local FO - Bât F1
131 rue du Faubourg Bannier
45042 ORLEANS Cedex 1
 06-38-04-96-56  fo.drfip45dgfip.finances.gouv.fr

Maîtrise de la dépense publique - Schéma directeur informatique - Limitation du recours aux cabinets de conseil : quand le lobby des « Cassos » se rebelle !

Le secteur de la « tech » monte au créneau
sur le recours aux cabinets de conseil

L’examen de la proposition de loi sénatoriale sur les cabinets de conseils ouvre un débat : faut-il aussi encadrer les dépenses de conseil informatique ? Le gouvernement cherche à les exclure autant que possible, tandis que le Sénat a finalement réduit le périmètre des dépenses informatiques concernées. Les entreprises du secteur sont, elles, vent debout.

On les oublie souvent mais elles restent le principal volet des dépenses de conseil : les prestations intellectuelles informatiques. Les dépenses de l’État en la matière dépassent largement celles de conseil « en stratégie et organisation », les seules soumises à la cure de réduction de 15 % imposée par le Premier ministre en début d’année.

En 2021, plus d’1 milliard d’euros a été versé à des prestataires extérieurs pour conduire différents projets informatiques de l’État, contre 874 millions en 2018. Ce périmètre inclut tous types de prestations, du conseil (assistance à maîtrise d’œuvre et d’ouvrage) à la maintenance, en passant par le développement logiciel. Pour autant, les sénateurs sont bien décidés à encadrer certaines de ces dépenses informatiques les plus stratégiques, comme en atteste l’adoption à l’unanimité, mercredi 19 octobre, de la proposition de loi visant à réduire les dépenses de conseil de l’État. Et ce malgré les craintes des entreprises du secteur, tout comme du gouvernement.

Depuis le début, le gouvernement Borne tient à faire la distinction entre les dépenses de conseil dites stratégiques et les autres, notamment informatiques. Avant le début de l’examen de la proposition de loi au Sénat, le cabinet du ministre de la Transformation et de la Fonction publiques rappelait encore la nécessité de bien distinguer « deux types de prestations, qui ne présentent pas les mêmes enjeux en matière de risques de conflits d’intérêts et d’influence sur les politiques publiques : le conseil en stratégie pour refondre telle ou telle politique publique, et qui peut inclure une dimension numérique, et l’expertise technique pour aider à changer ou refondre un logiciel par exemple ».

Le gouvernement publiait même un « jaune » budgétaire pour faire la transparence sur les dépenses réalisées l’an dernier. Le document comptabilise ainsi les dépenses de conseil à l’exclusion des dépenses de conseil informatique : audit et conseil stratégique en systèmes d’information, conseil qualité et méthode des systèmes d’information,

conseil urbanisation des systèmes d’information, étude projet applicatif, et enfin expertises techniques dans le cadre des projets SI. Mais il rappelle que les données listées peuvent « parfois recouper des projets à dominante informatique ». Résultat : le jaune ne comptabilise que 235 millions d’euros de dépenses de conseil « à caractère stratégique » en 2021, contre 446 millions du côté du Sénat, qui intègre certaines dépenses informatiques.

Selon les sénateurs, le conseil informatique à forte dimension stratégique (même si les définitions divergent) représentait 142 millions d’euros en 2021. Auxquels on peut ajouter 448 millions d’euros comprenant des prestations informatiques plus diverses et moins stratégiques. Outre la question des chiffres, s‘impose celle de la pertinence de l’encadrement du recours massif de l’État à des SS2I parfois qualifiées en interne de « Cassos » (pour Capgemini, Atos, Sopra Steria, Orange, Sia Partners), tant elles échoueraient à mener à bien les projets qui leur sont confiés. La Cour des comptes a elle-même fait remonter les risques d’une externalisation trop importante dans son rapport sur les grands projets informatiques. La Cour avait ainsi appelé à renforcer les rangs de l’État pour piloter et conduire ses projets numériques.

Une distinction « irréaliste » selon les entreprises du secteur

Preuve que le sujet reste mouvant, le texte de loi retravaillé par les sénateurs intègre toujours le « conseil en informatique », mais exclut désormais noir sur blanc les « prestations de programmation et de maintenance », après un amendement déposé par sa rapporteure, Cécile Cukierman. Une précision qui ne satisfait pas les entreprises du secteur. Leur lobby, Numeum, a publié le 18 octobre un communiqué pour demander d’exclure purement et simplement toutes les dépenses informatiques du champ de la proposition de loi.

« Face aux risques soulevés pour le secteur public, une telle distinction [entre conseil informatique d’une part et programmation et maintenance d’autre part, ndlr] est non seulement irréaliste avec la manière dont travaille le secteur informatique mais le remède pourrait même être pire que le mal en rendant le dispositif inapplicable et donc juridiquement instable », peut-on lire dans le communiqué de Nuemum. L’association pointe le fait que « de nombreuses activités ne relèvent pas stricto sensu de la programmation et de la maintenance informatique, mais sont en réalité incluses et effectuées avec la programmation » et donc qu’il serait très difficile de faire la distinction, et pénaliserait au bout du compte la transformation numérique publique. Un argument auquel l’État – du moins certains acteurs en son sein – n’est pas forcément insensible.

Un responsable de projets numériques de l’État s’alarme lui aussi des effets contre-productifs de ce nouveau tour de vis. « La polémique autour du recours aux cabinets est légitime, car cela pose de vrais problèmes d’internalisation des compétences », relate-t-il auprès d’Acteurs publics. Pour lui, la circulaire de janvier 2022 (qui n’impose pas de baisse de 15 % au conseil informatique, mais introduit des mécanismes ministériels de contrôle des dépenses et interministériels pour les commandes de plus de 500 000 euros) et la proposition de loi rateraient leur cible en ne s’attaquant pas au cœur du problème qu’est le manque de forces vives en interne.

« C’est même pire, s’alarme-t-il, car on ne fait qu’ajouter des procédures de contrôle et de la paperasse pour déclencher des prestations dont on ne peut se passer avec les ressources dont on dispose en interne. À un manque de compétences et donc de budget, le gouvernement répond finalement avec davantage de bureaucratie, qui plus est inefficace, car elle restera malgré tout la seule solution pour conduire des projets numériques, en l’absence de nouveaux ETP [équivalents temps plein] ». Reste à savoir si le nouveau dispositif poussera l’État à s’organiser en conséquence. (sic)

Par Emile Marzolf, acteurspublics.fr le 20.10.2022