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L’appétence pour le Service Public serait-elle héréditaire… ?

Christopher Charles : « L’atavisme familial reste déterminant
pour se tourner vers la fonction publique »

À la tête du réseau des préparations publiques aux concours administratifs et judiciaires (Ipag-CPAG), Christopher Charles se montre optimiste quant à la capacité de la fonction publique à attirer les jeunes. L’attachement à la notion de service public étant, selon lui, toujours marqué, notamment dans les enquêtes d’opinion.

► Selon vous, la fonction publique intéresse-t-elle encore les jeunes générations ?

Il est difficile de répondre car la fonction publique, tout comme les jeunes générations, sont diverses. Certains concours souffrent plus que d’autres, et parfois de façon chronique (dans l’enseignement notamment), mais d’autres attirent des candidats, pas nécessairement très nombreux certes mais qui ont un projet professionnel réfléchi et bien identifié. On ne passe pas, par exemple, les concours police-gendarmerie ou les concours hospitaliers par hasard. Quant aux candidats des générations actuelles, je ne suis pas sûr qu’ils soient très différents de leurs aînés. L’un des éléments déterminants pour se tourner vers la fonction publique reste l’atavisme familial.

► Quels sont aujourd’hui, hors rémunération et éléments d’ordre pratique, les facteurs qui constituent des freins à l’envie, notamment des jeunes générations, de se tourner vers la fonction publique ?

Plus qu’un manque d’envie, qui supposerait une non-attirance pour un monde professionnel que l’on connaît, il me semble que les jeunes générations sont surtout indifférentes vis-à-vis de la fonction publique par méconnaissance de ce qu’elle peut leur offrir comme débouchés professionnels. Elles connaissent mal les carrières qu’on peut y déployer et ont, de ce fait, les plus grandes difficultés à s’y projeter. Il faut lever le voile sur ces emplois, donner à voir ces métiers et leur immense variété, insister sur les possibilités de mobilité d’un corps à l’autre, d’un versant à l’autre, et casser les représentations stéréotypées : devenir inspecteur des finances publiques, ça n’est pas faire seulement du contrôle fiscal, par exemple !
Chez les jeunes dont les parents sont agents publics, le goût de la fonction publique est souvent encore bien présent.

► De votre point de vue, le sens de la mission et la notion d’engagement pour le service public ont-ils été écornés ces dernières années ?

Le « fonctionnaire bashing », parfois abondamment relayé, abîme incontestablement l’image des administrations publiques, tout comme le développement de l’emploi contractuel dans la fonction publique ne facilite pas la promotion des concours administratifs et des carrières vers lesquelles ils mènent. Reste que l’image des services publics continue d’être bonne, et que l’attachement à cette notion demeure marqué dans les enquêtes d’opinion. Sans que cela rejaillisse, hélas, sur les métiers et les agents qui les exercent.

► Comment avez-vous vu évoluer le profil des étudiants des Ipag et CPAG [les instituts et centres de préparation à l’administration générale, ndlr] ces dernières années ?

Les statistiques que nous établissons au sein du réseau des Ipag-CPAG montrent une relative stabilité des effectifs étudiants dans nos structures. Les variations d’une année sur l’autre peuvent atteindre 15 à 18 % des effectifs, mais sur un temps plus long, nous ne constatons pas d’érosion sensible du nombre d’inscrits, qui s’établit entre 3 500 et 4 000 étudiants, pour un nombre de dossiers de candidature orienté plutôt à la baisse ces dernières années et oscillant entre 5 500 et 7 000 par an. Concernant le profil de nos étudiants, les Ipag et CPAG ont la particularité de constituer, à travers leurs formations, une passerelle pour les étudiants. On note donc une grande diversité des publics, un thème par ailleurs cher à la fonction publique. 70 % de nos étudiants ont un master 1 ou 2. Sur le plan disciplinaire, les domaines du droit et de l’administration publique restent majoritaires chez nos étudiants (52 à 57 % du total) mais ceux de l’économie, de la gestion, des lettres et sciences humaines sont aussi assez largement représentés. Nous voyons en revanche très peu arriver dans nos structures des étudiants ayant fait des études de langues ou des études scientifiques. Socio-économiquement, plus d’un étudiant sur 4 inscrit dans un Ipag ou un CPAG est boursier (et parfois bien davantage dans les Ipag situés dans les territoires qui souffrent sur le plan économique), ce qui constitue une part importante des effectifs comparativement à d’autres formations. On note aussi que plus d’un inscrit sur 6 l’est en formation continue. Ce fort pourcentage de public salarié est également une caractéristique des Ipag et CPAG.

► Les « prépas Talents », mises en place par l’exécutif pour diversifier l’accès à la haute fonction publique et renforcer l’égalité des chances, portent-elles déjà leurs fruits ?

Quinze mois seulement après les débuts des premières « prépas Talents », il est trop tôt pour en faire un bilan. Elles peinent pour le moment à « faire le plein » de candidats, d’autant plus avec l’ouverture de nouvelles structures à la rentrée 2022. Certaines implantations géographiques questionnent : faut-il, par exemple, 2 préparations Talents aux concours A + à Toulouse, l’une portée par Sciences Po, l’autre par l’université ? De même, en dépit d’un maillage territorial qu’il faut souligner, y compris en outre-mer, la « métropolisation » des prépas Talents reste prégnante. Limoges, Tarbes, Corte et quelques autres font certes exception, mais le mouvement reste timide. En revanche, nous avons pu immédiatement noter combien l’accompagnement financier très significatif, aussi bien pour les structures que pour les étudiants, permet d’offrir un cadre de préparation rénové (financement de l’hébergement et des transports lors des stages et du passage des épreuves des concours, accompagnement pédagogique renforcé…). De même, le mentorat par des fonctionnaires et hauts fonctionnaires a été très largement plébiscité par les préparationnaires. Les contacts avec les administrations partenaires (présentation des métiers, accueil d’étudiants en stage…) ont également été fructueux.

► D’une manière générale, quel regard portez-vous sur les différents dispositifs mis en place pour rendre la fonction publique plus attractive ?

Historiquement, la communication n’a longtemps pas été dans l’ADN du service public. L’ambition de développer ces dernières années une marque employeur « service public » va dans le bon sens. Lever les idées reçues, communiquer sur les

valeurs portées par le service public, sur le sens et l’utilité des métiers qu’on y trouve, sur la diversité des carrières qu’on peut y déployer est absolument nécessaire. Les administrations publiques et les écoles de service public ont nettement progressé sur le terrain communicationnel – combien d’entre elles avaient-elles une chaîne YouTube il y a cinq ans ? – et se donnent ainsi les moyens d’aller toucher et sensibiliser le vivier de candidats potentiels. L’exemple à suivre est probablement celui du ministère des Armées, dont les campagnes sont unanimement considérées comme réussies. Il est cependant plus facile de faire rêver nos potentiels candidats avec un porte-avion qu’avec une feuille de tableau Excel, et les moyens mobilisés par le service de communication des armées ne sont probablement pas à la portée de beaucoup d’administrations.

► Les Ipag-CPAG sont présents sur l’ensemble du territoire. Est-ce, selon vous, un élément essentiel pour garantir davantage de diversité dans l’accès à la haute fonction publique et donc de travailler en faveur de son attractivité ?

Le maillage territorial du réseau des Ipag-CPAG de Brest à Aix-en-Provence, de Strasbourg à Bordeaux, de Lille à Montpellier est essentiel pour proposer aux étudiants un cadre de préparation là où ils vivent. Nous participons ainsi à entretenir la diversité géographique des lauréats aux concours. De même, en tant que structures clairement identifiées de préparation aux concours, nous parvenons à attirer des jeunes parfois fort éloignés au départ du monde des concours administratifs. Les plus méritants lorsqu’ils réussissent, ce sont eux, ces jeunes venus de quartiers prioritaires de la politique de la ville, de zones de revitalisation rurale. Les accompagner vers cette réussite, lever les freins psychologiques, le « syndrome de l’imposteur » qui les poussent à croire que les concours de catégories A et A + ne sont pas pour eux est extrêmement gratifiant pour les responsables pédagogiques et administratifs des Ipag et des CPAG.

► En définitive, le problème d’attractivité de la fonction publique pourra-t-il se régler, en partie, par davantage de diversité ?

Oui, en partie. Une fonction publique à l’image de la société, c’est une fonction publique plus ouverte, plus accessible. La diversité est donc certainement une condition nécessaire de l’attractivité. Elle n’est cependant pas suffisante et d’autres aspects (image des administrations, rémunération…) sont évidemment à travailler de concert.

► Comment faites-vous pour vous démarquer et attirer les étudiants des autres filières ?

Nous avons la chance, grâce à l’action constante de mes prédécesseurs, d’être bien identifiés en tant que réseau de préparation publique aux concours administratifs. C’est donc assez naturellement que les étudiants, souvent à l’issue de leur cursus universitaire, s’inscrivent dans nos structures pour y trouver un accompagnement spécifique orienté vers les épreuves des concours administratifs. Celles-ci sont en effet singulières, de plus en plus professionnalisantes (songeons au cas pratique opérationnel du concours des IRA, par exemple) et n’ont que peu à voir avec les examens qu’ils ont pu passer dans le cadre de leurs années universitaires. Nous leur apportons donc des conseils méthodologiques sur ces exercices qu’ils connaissent souvent mal, nous leur proposons des épreuves d’entraînement à un rythme intensif, aussi bien sur les épreuves écrites d’admissibilité que sur celles, orales, d’admission. De même, on n’aborde pas le droit administratif ou les finances publiques dans un Ipag comme dans une formation universitaire classique, en particulier parce que les enseignants-chercheurs au sein des Ipag et CPAG ont l’expérience des jurys de concours, comme concepteurs de sujets, correcteurs d’épreuves, membres de jury. Au fait des attentes d’un jury de concours, ils sont les mieux à même de faire réussir les étudiants. Du reste, la part des étudiants issus d’un Ipag ou d’un CPAG dans la proportion de lauréats d’un concours est souvent élevée : plus de 50 %, par exemple, pour le concours des IRA ou celui de l’EN3S. (sic)

Propos recueillis par Marie Malaterre

Par Marie Malaterre, acteurspublics.fr le 4 janvier 2023