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L’État prié de réformer sa stratégie immobilière pour répondre aux enjeux climatiques

La Cour des comptes vient de publier un rapport sur la gestion immobilière de l’État, pointant l’absence de stratégie globale et une politique incompatible avec ses ambitions en matière de performance énergétique. Face à ces lacunes, l’institution appelle à réformer l’organisation immobilière de l’État.

Photo : AdobeStock

L’État s’est fixé un cap sans définir de trajectoire pour l’atteindre. C’est peu ou prou ce qui ressort d’un rapport publié jeudi 6 décembre par la Cour des comptes sur l’immobilier de l’État, à la demande du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de l’Assemblée nationale. Face au “mur d’investissements” devant lequel il se retrouve pour se plier aux nouvelles normes énergétiques, l’État ne s’est pas doté d’une stratégie pluriannuelle. Et n’aurait pas de stratégie tout court, au-delà des circulaires qui se sont succédé au fil des années. Ainsi, affirme la Cour, “la stratégie immobilière de l’État n’a jamais été élaborée et formalisée”.

Pour rappel, selon le décret tertiaire, les bâtiments doivent faire en sorte de baisser de 40 % leur consommation énergétique d’ici 2030 par rapport à 2010, de 50 % d’ici 2040 et de 60 % à horizon 2060. Atteindre de telles performances va coûter cher à l’État, au vu de ses plus de 192 000 bâtiments correspondant à 94,4 millions de mètres carrés. Et même très cher : le coût des travaux pourrait monter jusqu’à 150 milliards d’euros à horizon 2050, correspondant à une augmentation annuelle des crédits immobiliers de l’ordre de 20 à 25 % par rapports aux niveaux actuels.
“Absence de stratégie formalisée”

Le poids financier pourrait être partiellement compensé par la réduction envisagée du parc tertiaire de 25 % et la diminution des factures engendrées par les travaux, mais il resterait tout de même 67 milliards d’euros à régler sur la période 2024-2051, soit 2,4 milliards d’euros par an, selon les projections du secrétariat général à la planification écologique (SGPE).

“Devant cette échéance, fût-elle à 25 ans, l’absence de stratégie formalisée qui caractérise la politique immobilière depuis longtemps ne peut perdurer”, alerte la Cour. Pour les rédacteurs du rapport, la solution résiderait dans la rédaction d’un document unique assorti d’un tableau de bord de pilotage, qui arrêterait un plan d’action fixant les objectifs, les priorités, les échéances pluriannuelles, mais aussi les moyens. Cela apporterait à la politique immobilière “la visibilité et la lisibilité qui font aujourd’hui défaut” et permettrait que “sa mise en œuvre soit davantage suivie et évaluée”.
Seulement 13 % en interministériel

La gestion du parc immobilier de l’État est confiée depuis 2016 à la direction de l’immobilier de l’État (DIE), dont la création est source de certains progrès, concède la Cour des comptes. Sur le papier, la DIE est chargée de la gouvernance de la politique immobilière de l’État et doit donc la définir et la mettre en œuvre. Mais dans les faits, sa marge de manœuvre reste très limitée par l’indépendance des ministères en la matière.

Au total, sur les près de 10 milliards d’euros de crédits immobiliers prévus par la loi de finances initiale 2023, seuls 13 % concernent des financements mutualisés pour des projets interministériels, le reste étant contrôlé par les ministères eux-mêmes. “Ce primat de la gestion par ministère a pour conséquences, identifiées de longue date, un sous-entretien chronique des bâtiments, la concentration des crédits et des compétences sur les grandes opérations emblématiques et une inertie marquée de la rationalisation du parc ainsi que de sa valorisation économique”, analyse la Rue Cambon. Difficile, dans ces conditions, de définir une feuille de route collective et de s’y conformer.

Actualisation de la feuille de route

Un document stratégique existe tout de même pour tenter de fédérer la transition énergétique des bâtiments publics : la feuille de route nationale “Transition énergétique pour les bâtiments de l’État”, lancée en 2018 par la DIE à destination des bâtiments tertiaires de l’État et de ses opérateurs de plus de 2 000 mètres carrés. “Remontant désormais à cinq ans, cette feuille de route ne prend pas en compte les nombreuses évolutions normatives intervenues depuis 2018”, relève toutefois la Cour des comptes.

La DIE a affirmé à la Rue Cambon avoir démarré des travaux d’actualisation, afin de sortir prochainement un nouveau document intitulé “Transition environnementale”. L’objectif annoncé : prendre en compte les dernières réglementations dans les stratégies immobilières et surtout, aborder les enjeux environnementaux de manière systémique. Mais la Cour persiste et signe : cela ne suffira pas à embarquer la transition énergétique de l’immobilier de l’État. L’élaboration de cette feuille de route doit, quoi qu’il arrive, être accompagnée d’une “formalisation plus générale de la stratégie immobilière de l’État, tant les enjeux environnementaux et énergétiques deviennent prégnants”.

par Philippine Ramognino
8 décembre 2023
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