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Jeunes fonctionnaires et management : je t’aime, moi non plus

À l’image de ce qui se passe dans le secteur privé, les jeunes fonctionnaires désertent-ils les positions managériales ? Si un choc des générations semble bel et bien à l’œuvre dans l’administration, l’encadrement reste un critère déterminant dans la réussite d’une carrière.

Dans le secteur privé, le phénomène est connu et a même été mis en évidence par plusieurs études : le management ne fait plus rêver les jeunes talents. Dès 2018, l’observatoire Cegos mettait en avant que 66 % des salariés français n’avaient pas pour ambition de devenir chef d’équipe. Un an après, le cabinet Michael Page observait que seuls 54 % des 18-29 ans souhaitent devenir managers au cours de leur carrière. Enfin, une troisième étude du Boston Consulting Group (BCG), menée avant la crise sanitaire, indiquait que seul un employé occidental sur 10 aspirait à devenir manager.

Mais qu’en est-il des jeunes agents publics ? Désertent-ils eux aussi les positions managériales ? S’il n’existe pas, d’après nos recherches, de données objectives permettant d’affirmer que les jeunes fonctionnaires ne souhaitent pas manager ou y trouvent peu d’attrait, on peut en revanche aisément voir que les modes de management évoluent selon les générations.

Le guide du management intergénérationnel publié par la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) témoigne d’un besoin, pour les managers, d’être orientés sur ce sujet. “Personnellement et empiriquement, je ne perçois pas nécessairement un rejet ou une désaffection pour le management, une méthode et une approche très différentes de celles des générations X ou Y, par exemple, davantage centrées sur les procédures, les outils et le numérique, ainsi que les objectifs et le zèle, voire l’autoritarisme”, expose un manager public.
Tradition de management vertical

Il convient aussi de préciser que cette appétence ou ce manque d’appétence supposé des jeunes générations pour le management dépendent également des cultures des organisations, de l’exemple donné par le top management ou encore de la position du jeune agent dans la hiérarchie. “Compte tenu d’un management public encore structurellement et culturellement très vertical, hiérarchique et appréhendé comme une promotion plutôt qu’une aspiration professionnelle et une compétence, voire de plus en plus un sacerdoce, si le secteur public ne change pas de paradigme sur ce terrain, il y a fort à parier que le turn-over augmente encore sur ces fonctions de management et que les vacances de postes se multiplient et se prolongent”, poursuit ce même manager public.

Cette éventuelle désertion des jeunes agents pour la fonction managériale est difficile à objectiver. Elle cache cependant davantage le sentiment d’une différence qui se creuse entre les générations. “Dans ce sentiment, on trouve des choses simples, à savoir la rémunération, souvent considérée comme insuffisante par rapport aux postes, explique une cadre publique. Il y a également les perspectives d’évolution, d’autant plus en tant que cadre, qui peuvent apparaître plus complexes que le candidat n’aurait pu le penser avant d’entrer dans la fonction publique. Il y a aussi la question de la reconnaissance, celle des grandes organisations publiques sur le marché plus global du travail.” En d’autres termes, aujourd’hui, il ne suffit plus d’être un CHU, une agence publique nationale ou une grande métropole pour attirer les jeunes et leur donner envie de gravir les échelons. Il convient, en plus, de se concevoir autrement pour proposer des collectifs de travail adaptés à notre temps.
Sortir des modèles hiérarchisés

Ce constat général est d’ailleurs largement partagé par Mathilde Icard, cheffe du service de la synthèse statutaire, du développement des compétences et de la donnée au sein de la direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP). “Je ne ressens pas une désaffection des jeunes pour le management mais plutôt une désaffection pour un certain modèle de management, précise-t-elle. La fonction publique est perçue par une partie des jeunes comme rigide et bureaucratique.”

Selon elle, l’image du manager est celle d’un chef en costume qui transmet des consignes par note et qui reste dans sa tour d’ivoire entouré de ses tampons et de ses parapheurs. Une vision en opposition avec les aspirations des jeunes, en recherche d’agilité, de coopération, de sens, qu’ils peuvent pourtant tout à fait retrouver sur des missions de managers dans la fonction publique. “J’ai rencontré dans l’ensemble des services publics des femmes et des hommes, à tous les niveaux de management, qui animent les collectifs avec ces principes, renforçant ainsi la responsabilisation et la capacité d’agir de chacun, poursuit Mathilde Icard. Il reste, comme dans tous les secteurs, à relever le défi d’embarquer toutes les organisations dans cette voie car certaines sont restées sur notre modèle historique très hiérarchisé.”

“Dans cette perspective, les dirigeants ont un rôle essentiel d’impulsion et d’exemplarité, les RH ont un rôle essentiel d’accompagnement, poursuit Mathilde Icard. Car les managers ont beaucoup à porter. Coopérer, dialoguer, croiser les points de vue, animer un collectif, cela prend du temps.”

Cette prétendue désertion des jeunes agents pour les positions managériales, Émilie Piette, déléguée interministérielle à l’encadrement supérieur de l’État (Diese), ne l’observe pas, bien au contraire. “Ce que j’observe de mon point de vue, ce sont des jeunes élèves qui sortent de l’INSP [l’Institut national du service public, ndlr] avec toujours une appétence très forte pour ces positions de manager, appuie-t-elle. Ils veulent avoir la capacité de faire bouger les lignes et avoir des marges de manœuvre pour agir. Il faut ajouter à cela le sens du métier qu’ils ont choisi, pour lequel ils s’engagent et qui les conduit de manière assez naturelle à occuper des postes de management.”
Des postes valorisants sur un C.V.

Il existe aussi, selon Émilie Piette, une autre raison à cette ambition. Aujourd’hui, dans la fonction publique et l’encadrement supérieur, cette idée de parcours types fait que les positions de management sont encore perçues comme déterminantes dans la réussite d’une carrière. “Les termes de « chef de bureau », « sous-directeur », « chef de service » parlent beaucoup aux employeurs publics et sont encore aujourd’hui valorisables sur un C.V., poursuit-elle. En revanche, « chef de projet », « animateur de réseaux » sont des termes que j’essaie de pousser car je pense que c’est de cette manière que l’administration va travailler. Ces positions ne sont pour autant pas encore tout à fait entrées dans les esprits. C’est l’une des raisons pour lesquelles il existe encore une certaine forme de prudence sur ces fonctions.”

Pour renforcer cette idée que les jeunes agents ne désertent pas les fonctions de management, Émilie Piette assure repérer également chez les jeunes hauts fonctionnaires sortant de l’INSP la volonté de s’inscrire dans les pas de ceux qui les ont précédés, ce qui implique nécessairement de viser des positions de management.

par Marie Malaterre,12 septembre 2023,
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