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Les boîtes mail débordent dans les administrations

Si elles ont conscience du problème, les administrations peinent à faire appliquer les bonnes pratiques en matière de gestion des courriels, dans un contexte dans lequel la fonction “Répondre à tous” n’a jamais eu autant de succès. De là à passer à une politique du “zéro e-mail”, il n’y a qu’un pas… que personne ne semble toutefois prêt à franchir.

Qui ne s’est jamais senti débordé par une boîte mail pleine à craquer et une quantité d’informations impossible à traiter même en y consacrant toute une journée ? Et le phénomène n’épargne personne. Aujourd’hui, 74 % des dirigeants n’arrivent pas à traiter l’ensemble de leurs mails quotidiens, selon l’Observatoire de la collaboration numérique. Et 10 % des collaborateurs lisent moins de 50 % de leurs mails reçus.

Il ressort de cette situation de surchauffe un déséquilibre entre le flux entrant et nos capacités de traitement. Il s’agit en effet d’une des formes les plus visibles de charge mentale associée à la vie professionnelle : avoir “déplié” l’ensemble de ses mails entrants pour avoir l’esprit libéré.

Mais qu’en est-il en particulier dans l’administration ? “Il est indéniable que le mode d’organisation et de communication dans l’administration a connu un essor considérable grâce à la technologie, observe un administrateur de l’État. L’e-mail, notamment, a pris une place prépondérante, mais son utilisation peut présenter des difficultés en matière de gestion du temps et du stress. Dans le cadre des échanges interservices et interministériels, l’e-mail est souvent utilisé comme moyen de communication privilégié.” Il semble néanmoins nécessaire d’améliorer son utilisation, notamment pour éviter la surcharge d’information et faciliter le bien-être au travail.

Le problème récurrent en la matière reste celui du “fire and forget” c’est-à-dire envoyer l’e-mail et l’oublier sans se préoccuper du suivi. Une pratique courante qui n’encourage pas la communication constructive et collaborative. “L’e-mail est souvent utilisé comme un moyen de se couvrir, sans réfléchir à son utilité ou à son bien-fondé, poursuit un manager public. Cette pratique, en plus d’alourdir les boîtes de réception de chacun, peut engendrer une confusion inutile et une perte de temps. Il est donc essentiel de choisir avec soin ses destinataires, en privilégiant les personnes directement concernées par le sujet.”

Conscientes du problème et des répercussions sur les collectifs de travail, les administrations sont nombreuses à considérer la question avec sérieux, à l’image de Bercy, qui vient de lancer un nouveau dispositif baptisé “Le juste mail”. “Il s’agit, dans un premier temps, d’objectiver nos usages numériques, leur impact sur l’organisation du travail ainsi que notre empreinte carbone, explique Élodie Fradet, conseillère en organisation du travail et innovation RH au secrétariat général des ministères économiques et financiers. Le projet se décline en 4 temps : mesurer les flux et la volumétrie des e-mails, comparer nos résultats avec ceux d’organisations de profil similaire, tester de nouveaux usages et évaluer les impacts de ces nouveaux usages pour savoir s’ils ont fonctionné.” “Le juste mail” sera testé auprès de 4 équipes de volontaires au sein du secrétariat général de la direction générale des finances publiques et de l’Institut de la gestion publique et du développement économique (IGPDE).

De la même manière, à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), la question du volume des mails est un sujet prégnant, notamment avec la mise en place du travail en mode hybride. Pour diffuser des bonnes pratiques auprès des agents, la “charte d’équilibre de temps de vie” de l’agence aborde le sujet des e-mails. “On invite les agents à utiliser l’envoi différé des e-mails, si vraiment ils doivent en envoyer en dehors des heures de bureau, dans l’objectif d’éviter la surcharge informationnelle”, développe Hélène Boissin-Jonville, directrice adjointe des ressources humaines à l’ANSM. De la même façon, on a ajouté dans nos signatures un message systématique : « Si vous recevez cet e-mail en dehors de vos heures de travail ou pendant vos congés, vous n’avez pas à y répondre avant votre retour ».”
Vers une politique du “zéro mail”

Le 20 juin prochain, la charte de l’ANSM sera complétée par un recueil de conseils avec des pistes concrètes pour faire évoluer les pratiques du quotidien et un chapitre est consacré à la gestion des e-mails. Au sommaire, des pistes pour fluidifier les échanges de courriers électroniques : avoir un objet explicite, s’interroger avant d’utiliser la fonctionnalité “Répondre à tous”, faire apparaître dans l’objet l’intention du message, distinguer le destinataire principal du destinataire à titre d’information.

“L’idée de ces 2 documents est de doter tout le monde du même cadre de référence pour optimiser nos pratiques collectives, ajoute Hélène Boissin-Jonville. Plus que la gestion des e-mails, on invite les équipes à s’interroger sur le choix de leurs modes de communication, maintenant que nous travaillons toujours ensemble, mais dans des endroits différents (”si mon mail est très long, n’y a-t-il pas un autre canal de communication plus adapté ?”). Parfois, un bref échange oral permet d’éviter de nombreux e-mails.”
Ateliers sur la gestion des e-mails

Au sein de la commune de Caluire-et-Cuire, dans le Rhône, la gestion de e-mails fait également figure de sujet de premier plan. Pour alléger les boîtes des agents, la collectivité s’est récemment dotée d’un outil de gestion des documents qui évite d’attacher des pièces jointes aux courriels. “Nous travaillons par ailleurs sur une charte pour cadrer et partager les bonnes pratiques”, développe Anne-Laure Chalet, directrice générale adjointe “service à la population” au sein de la commune.

La ville propose également, dans le cadre de son école interne de formation, des ateliers sur le thème de la gestion des e-mails. “J’ai expérimenté pour ma part une méthode, poursuit la directrice. Passer deux fois par jour sa boîte en revue pour classer ce qui peut être supprimé après lecture, ce qui demande une action et ce qui doit être archivé. Ensuite, prendre une heure par jour pour travailler à proprement parler sur les mails classés dans le dossier “Pour action”. Mais dans une organisation, si tout le monde ne travaille pas de la sorte, il est parfois difficile de s’y tenir.”

Pour contrer les travers induits par l’utilisation excessive des e-mails, plusieurs expérimentations ont été menées notamment dans le secteur privé, à l’image d’Atos Origin, qui avait décidé d’interdire totalement l’accès aux courriers électroniques pour les restreindre dans un second temps. Par ailleurs, nombreuses sont les études montrant que l’interdiction ou l’imposition de restrictions sur les courriels peut accroître considérablement la productivité individuelle et réduire le stress. C’est le cas d’une étude menée par l’université de Californie et l’armée américaine, qui a montré qu’interrompre l’accès à l’e-mail de certains employés a réduit leur niveau de stress et augmenté leur productivité.

Dans cette perspective, la direction générale de l’administration et de la fonction publique et la direction interministérielle du numérique ont déjà réfléchi à ce sujet et mis en place de nombreux outils collaboratifs comme Tchap, France Transfert, Osmose ou encore Resana. Cependant, “le déficit de formation à ce type d’outils, associé à la nécessité de revoir les méthodes de travail, ne favorise malheureusement pas la diminution des e-mails dans l’administration”, conclut un observateur.

par Marie Malaterre
15 juin 2023
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