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“49.3” sur la programmation des finances publiques : l’enjeu des milliards européens questionné

La Première ministre, Élisabeth Borne, vient d’engager la responsabilité de son gouvernement sur le projet de loi de programmation des finances publiques. Un texte essentiel, selon l’exécutif, pour permettre à la France de percevoir les fonds européens du plan de relance. Même si ce type de loi n’est pas contraignant, la position de la France vis-à-vis de Bruxelles est bel et bien délicate. Explications.

Un premier “49.3” qui en appellera certainement d’autres sur le budget de l’État et de la Sécurité sociale, en l’absence de majorité absolue pour le camp présidentiel. La Première ministre, Élisabeth Borne, a annoncé, mercredi 27 septembre, que le gouvernement engageait sa responsabilité sur le projet de loi de programmation des finances publiques. Un texte présenté il y a plus d’un an par l’exécutif et qui fixe la trajectoire budgétaire de la France pour les années 2023 à 2027.

Rejeté par le Parlement fin 2022, ce texte est en effet revenu à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale pour un examen en nouvelle lecture, dans le cadre d’une session extraordinaire. Et c’est la douzième fois, depuis son arrivée à Matignon, que la cheffe du gouvernement a recours à l’alinéa 3 de l’article 49 de la Constitution pour faire adopter, sans vote, un texte à l’Assemblée nationale.

“Ce projet de loi est un texte de responsabilité, a affirmé Élisabeth Borne devant les députés. Maîtriser nos finances publiques, c’est un gage de souveraineté mais pour réussir, nous avons besoin d’objectifs assortis d’un calendrier.” Aussi la Première ministre a-t-elle fait valoir un “texte essentiel à notre pays”. “Nous avons besoin de cette loi, nous ne pouvons pas prendre le moindre risque”, a-t-elle martelé en engageant donc la responsabilité de son gouvernement sous les broncas de l’opposition et notamment de la gauche. L’alliance de gauche, la Nupes, a d’ailleurs immédiatement déposé une motion de censure du gouvernement. Si celle-ci n’est pas adoptée, ce qui est fort probable, alors le projet de loi sera considéré comme définitivement adopté par l’Assemblée nationale.
Un “gage de crédibilité” et 18 milliards d’euros en jeu

L’intervention de la Première ministre était surtout l’occasion pour le gouvernement de mettre en garde sur les dangers que représenterait selon lui un nouveau rejet du texte. Un veto parlementaire ferait perdre à la France plusieurs milliards d’euros de fonds européens, ne cesse en effet d’alerter l’exécutif.

À de multiples reprises au cours des derniers mois, le Premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, a lui aussi tiré la sonnette d’alarme en s’inquiétant des conséquences de la “non-adoption” d’une loi de programmation, estimant que cela reviendrait à “faire du trapèze sans filet”. “La France a besoin d’une loi de programmation des finances publiques” (LPFP), a ainsi affirmé Pierre Moscovici en novembre dernier devant les députés de la commission des finances. “Les financements européens au titre de la facilité européenne pour la relance et la résilience [après la pandémie de Covid-19, ndlr] sont conditionnés à l’atteinte de certains jalons et en particulier à l’adoption d’une LPFP”, avait souligné celui qui préside aussi le Haut Conseil des finances publiques (HCFP). Et l’ancien commissaire européen d’insister : “Le risque qu’une partie de ces fonds ne soit finalement pas versée peut paraître modéré, mais il ne peut pas être totalement écarté.”

“Ce projet de loi, c’est la responsabilité vis-à-vis de nos engagements européens, c’est un gage de crédibilité vis-à-vis de nos partenaires de la zone euro et une condition pour obtenir 18 milliards d’euros du plan de relance de l’Union européenne, a ainsi fait valoir Élisabeth Borne mercredi. Ces 18 milliards, nous en avons besoin.” Des arguments que réfutent la plupart des oppositions.
Des lois “non contraignantes mais utiles”

“Soumettre le décaissement des crédits européens au vote d’une loi découle du seul engagement du gouvernement, qui ne sait plus comment faire”, a notamment dénoncé la députée socialiste Valérie Rabault en estimant que la projection de réduction du déficit public était “inatteignable sans endommager sérieusement notre économie”. “Rien ne permet d’affirmer que l’absence d’adoption serait un motif seul de blocage des versements”, a complété le président LFI de la commission des finances, Éric Coquerel, selon qui le gouvernement reste “libre de modifier sa politique budgétaire pour trouver une majorité”.

Mais alors quels seraient précisément les risques ou conséquences d’une non-adoption de la loi de programmation des finances publiques ? L’économiste François Ecalle vient de donner quelques précisions, dans une récente note, sur le contenu et l’utilité de ces textes budgétaires.

Ces lois “ne sont pas contraignantes”, affirme ce spécialiste des finances publiques. Mais, ajoute-t-il, elles “sont tout de même utiles et nécessaires (pour) fixer des orientations ayant un minimum de crédibilité et coordonner les décisions des responsables budgétaires des administrations publiques” car, ajoute François Ecalle, “si les limites fixées par les règles budgétaires peuvent être dépassées sans réelles sanctions, elles donnent néanmoins des repères et obligent au moins les décideurs à expliquer pourquoi elles ont été dépassées”.
Position fragilisée

L’ancien rapporteur général de la Cour des comptes sur la situation des finances publiques le concède : des milliards européens sont bel et bien en jeu. Le plan national de relance présenté par la France pour obtenir des subventions européennes prévoit effectivement l’adoption d’une loi de programmation des finances publiques. Aussi, juge François Ecalle, la Commission européenne pourrait-elle “sans doute réduire le montant des subventions si la loi de programmation n’était pas votée, mais il est impossible de dire de combien serait cette réfection”.

Au-delà de cet impact financier, explique l’économiste, la position de la France sur la future réforme des règles budgétaires européennes “serait fortement fragilisée” en cas de non-adoption d’une loi nationale de programmation des finances publiques. La France plaide en effet depuis longtemps, au niveau européen, pour une règle d’évolution des finances publiques inscrite dans des lois de programmation nationales. Charité bien ordonnée commence par soi-même.

par Bastien Scordia
28 septembre 2023,
Acteurs Publics, accéder à l’article initial