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Missions SPL - Décentralisation - La Cour des Comptes pointe la fragilisation de l’Etat dans son rôle de régulateur et de partenaire des collectivités

Décentralisation : le statu quo n’est pas "tenable" selon la Cour des comptes

Dans son rapport public annuel publié ce vendredi 3 mars, la Rue Cambon dresse un bilan critique des quatre décennies de décentralisation en France. "L’élan initial de 1982 s’est progressivement essoufflé et le paysage constitutionnel s’est brouillé", critiquent les magistrats. Le statu quo "n’est pas tenable", ajoutent-ils en plaidant pour une nouvelle étape de décentralisation. 

Gaston Defferre doit certainement se retourner dans sa tombe. Dans l’édition 2023 de son rapport public annuel (RPA) publié ce vendredi 10 mars, la Cour des comptes dresse en effet un bilan très critique de la performance de l’organisation territoriale, 40 ans après les premières lois de décentralisation, les fameuses lois Defferre du nom du ministre de l’Intérieur d’alors. Un rapport que l’exécutif ne manquera de scruter avec attention, une réforme des institutions étant prochainement prévue. Emmanuel Macron a en effet indiquer vouloir écrire un "nouveau chapitre de la décentralisation."
 
"Tout le monde se réclame de la décentralisation comme moyen par excellence de renforcer la démocratie locale, de rapprocher la décision publique du citoyen, d’améliorer la gestion des services publics, conformément aux objectifs fondateurs", souligne la Rue Cambon. Aussi, au travers des lois RCT, MAPTAM, NOTRe ou plus récemment 3DS, chaque gouvernement a tenté depuis une douzaine d’années de faire adopter "sa" loi de décentralisation. "Mais, en vérité, la décentralisation n’est pas aboutie", tonne l’institution en citant l’un de ses rapports de 2009 sur la conduite de la décentralisation par l’Etat. Un rapport déjà très critique. Rebelote aujourd’hui. 

"Les réformes menées depuis 2010 n’ont pas permis de remédier aux défauts alors constatés, expliquent les magistrats. Elles ont seulement tenté de rationaliser l’organisation, sans succès compte tenu de la succession de priorités fluctuantes et, sur certains points, fluctuantes."
 
Imbrication et concurrence entre les échelons

L’état des lieux dressé dans son rapport par la Cour des comptes est effectivement peu reluisant. Les magistrats pointent notamment une imbrication "croissante" des compétences des collectivités et de leurs groupements "qui en rend l’exercice et la lecture difficiles", ces compétences étant souvent partagées entre les différents échelons. C’est, selon la Rue Cambon, la faute à un individualisme des collectivités qui "n’a pas été contrebalancé par la mise en œuvre d’outils de coopération efficaces" (voire de mutualisations) ou même par l’Etat en raison du "délitement" de ses capacités de contrôle. 

A ce propos, la Cour relève une "concurrence" entre les 4 échelons de gestions locales. Et d’énumérer un paysage marqué par la "persistance d’un trop grand nombre de trop petites communes", le "renforcement" des intercommunalités "encouragé par la loi mais parfois contesté par les communes", des grandes régions "plus éloignés des citoyens" et, enfin, des départements dont le rôle a récemment été "réaffirmé" alors que leur suppression avait été envisagée sous François Hollande. 

Organisation de l’Etat inadaptée

Surtout, développe la Rue Cambon, la priorité souvent donnée au couple région-intercommunalité plutôt qu’au couple commune-département "a pu accroître la distance entre le citoyen-contribuable et le cadre d’exercice de la démocratie locale." Le législateur est néanmoins récemment revenu sur cette priorité, reconnaît la Cour. 

L’organisation territoriale de l’Etat n’est pas non plus en reste, les magistrats critiquant une organisation
"inadaptée" et "peu cohérente" avec les effets de la décentralisation. Pour l’institution, l’Etat aurait ainsi "perdu de vue l’objectif d’une évolution parallèle et concertée de déconcentration de ses services avec la décentralisation."
 
Par ailleurs, la contrainte budgétaire "l’a conduit à restreindre ses moyens et à rationaliser à l’extrême sa présence dans les territoires." L’Etat "apparaît aujourd’hui fragilisé dans sa capacité à jouer son rôle de régulateur et de partenaire des collectivités", juge même la Cour. Un mouvement de "réarmement des territoires" a malgré tout été engagé ces dernières années. 

Le statu quo "pas tenable"

Ces constats étant posés, la Rue Cambon juge donc "souhaitable" d’engager une nouvelle étape de décentralisation pour fixer une répartition "plus claire" des compétences entre les différentes collectivités mais aussi entre les collectivités et l’Etat. Il est aussi urgent, selon la Cour, de doter chaque niveau "des moyens lui permettant d’assumer ses compétences dans des conditions d’efficience et d’efficacité mesurables."
 
La Cour tempère néanmoins : une refonte globale de l’organisation territoriale "serait peu réaliste à court terme." Pour autant, soulignent les magistrats, le statu quo "n’est pas tenable." Et d’appeler à préparer dès à présent les "conditions d’une réforme ambitieuse en activant l’ensemble des leviers disponibles pour, dans l’immédiat, simplifier l’organisation et mieux coordonner les interventions des différents échelons de gestion locale et des services déconcentrés de l’Etat."
 
Plusieurs pistes sont évoquées par la Rue Cambon pour y parvenir comme "favoriser" la fusion des plus petites communes ou "renforcer" le rôle des collectivités cheffes de file de politiques. La Cour pousse aussi à une meilleure utilisation des possibilités de différenciation et d’expérimentation. L’Etat, pour sa part, doit se "recentrer" sur son rôle de "stratège", de "régulateur" et de "partenaire" des collectivités. (sic)

Par Bastien Scordia, Acteurs Publics le 10 mars 2023