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Retraites - L’octroi du bénéfice de la retraite progressive sera soumise aux nécessités de service : un marché de dupes… ?

La retraite progressive pourra concerner
plus de 20 000 agents publics d’ici 2026

Selon les estimations du gouvernement, quelques dizaines de milliers d’agents publics devraient pouvoir bénéficier de ce dispositif qui permet de recevoir une fraction de sa pension de retraite tout en travaillant à temps partiel. Son succès dépendra toutefois du bon vouloir des employeurs à accepter ou non les demandes formulées par leurs agents.

Cent trente millions d’euros à l’horizon 2026. C’est le coût que représentera l’extension à la fonction publique de la retraite progressive, à en croire l’étude d’impact du projet de loi de réforme des retraites. Un document où l’exécutif fournit également des données sur le nombre potentiel d’agents publics qui bénéficieront de ce dispositif permettant de recevoir une fraction de sa pension de retraite tout en travaillant à temps partiel. Il n’existe actuellement que dans le privé. 
Selon ces prévisions gouvernementales, 5 200 agents de la fonction publique d’État devraient bénéficier de cette retraite progressive en 2023, avant une montée en puissance du dispositif, avec 10 400 bénéficiaires en 2024, 15 600 en 2025 et 15 600 autres en 2026.

Territoriale et hospitalière confondues, le gouvernement vise 2 440 bénéficiaires de la retraite progressive en 2023, 4 880 en 2024, 7 320 en 2025 et 7 320 également en 2026. « Ces estimations ont été réalisées sous l’hypothèse d’un recours de 80 % des fonctionnaires déjà à temps partiel et remplissant les conditions d’accès au dispositif et de 4 % pour les fonctionnaires à temps complet éligibles à la retraite progressive », se borne à préciser l’exécutif dans son étude d’impact. 

Crainte du refus des employeurs 

En étendant la retraite progressive à la fonction publique, le gouvernement entend « permettre aux agents qui le souhaitent de bénéficier d’un régime de transition plus progressif vers la retraite qu’aujourd’hui ». Mais si les agents publics pourront bénéficier de cette retraite progressive en en faisant la demande, ils devront avant tout justifier d’une durée d’assurance minimum, mais aussi avoir atteint un âge minimal, inférieur de deux ans à l’âge légal de départ à la retraite. À savoir 62 ans à terme, en 2030, contre 60 ans dans le régime de retraite progressive actuellement en vigueur dans le secteur privé.

Conséquence du report de l’âge légal de départ à la retraite, l’âge minimal pour bénéficier de la retraite progressive sera en effet lui aussi parallèlement avancé, au rythme de trois mois par an, pour atteindre la cible de 62 ans en 2030. Fin 2023, ce dispositif devrait donc être accessible à partir de 60 ans et 3 mois, puis 60 ans et 6 mois en 2024, etc…

Mais au-delà de ces conditions d’âge et d’assurance, le placement des agents publics en retraite progressive devrait surtout dépendre du bon vouloir des employeurs à accepter ou non les demandes formulées par leurs agents. Ce qui ne manque pas d’inquiéter les organisations syndicales de la fonction publique, dans l’attente de précisions sur la mise en œuvre du dispositif. « L’un des enjeux sera que les employeurs acceptent », souligne ainsi Luc Farré, de l’Unsa. « Le refus des employeurs devra être le plus limité possible et soumis à une motivation expresse », demande Mylène Jacquot, de la CFDT. « Entre le recul de l’âge légal de départ à la retraite et la retraite progressive, il y aura désormais une vraie obligation de réfléchir enfin aux fins de carrière ». 

« Marché de dupes » 

Pour justifier leurs inquiétudes, les syndicats se réfèrent notamment à l’expérience de précédents dispositifs, comme la cessation progressive d’activité (la CPA, supprimée en 2011), l’indemnité de départ volontaire ou encore la rupture conventionnelle, récemment introduite dans la fonction publique. « On a vu beaucoup de demandes rejetées par les employeurs qui voyaient là une dégradation de l’organisation de leurs services », indique Philippe Soubirous, de Force ouvrière. « Avec l’extension à la fonction publique de la retraite progressive, on risque donc d’avoir beaucoup d’appelés mais peu d’élus. Cette mesure risque de décevoir beaucoup d’agents et d’être ressentie comme un marché de dupes », complète-t-il. 

« Si le gouvernement choisit le même type de modalités que pour la CPA, alors il ne devrait pas y avoir beaucoup de retraites progressives », renchérit Gaëlle Martinez, de Solidaires. «  La cessation progressive d’activité était déjà difficile à mettre en œuvre puisqu’elle se faisait toujours sous réserve des nécessités de service », ajoute Céline Verzeletti, de la CGT. «  Cela risque d’être la même chose avec la retraite progressive, notamment dans les services où les effectifs sont déjà tendus ». La représentante de la centrale de Montreuil fait notamment référence au secteur de la santé : « C’est là qu’il y aura le plus demandes de retraite progressive, mais elles seront refusées de fait s’il n’y a pas de vraie politique de développement des services publics et de recrutement d’effectifs ».

Conséquences financières pour les collectivités 

«  Si le dispositif reste soumis à autorisation, ce temps partiel ne sera pas accordé, notamment dans les secteurs où l’on manque d’agents, dont l’éducation », ajoute Benoit Teste, de la FSU. « Les estimations du gouvernement nous inquiètent au plus haut point : le dispositif sera-t-il si peu intéressant au final pour qu’on ne prévoie qu’un recours si faible ? » 

Pascal Kessler, de FA-FP, le confirme : « La retraite progressive sera globalement compliquée à mettre en œuvre dans la fonction publique, d’autant plus en ces périodes de pénurie de personnel dans certains secteurs. Il faudra combler par des recrutements la charge de travail non effectuée », renchérit Nathalie Makarski, de la CFE-CGC. « Il faudra donc débloquer le levier budgétaire ». De quoi inquiéter les employeurs publics, notamment dans la territoriale. 

« Nous n’avons aucune visibilité financière », affirme d’ailleurs la secrétaire générale de l’Association des maires de France, Murielle Fabre. Entre les nouveaux temps partiels accordés et les éventuels recrutements nécessaires pour les combler, la retraite progressive risque de « rajouter des difficultés » dans la gestion des collectivités, développe la maire de Lampertheim (Bas-Rhin), tout mettant en avant le principe de libre administration. Mais, ajoute-t-elle, dans tous les cas, « nous aurons besoin d’une gestion prévisionnelle des effectifs encore plus précise ». (sic)

Par Bastien Scordia, acteurspublics.fr le 25 janvier 2023