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Lutte contre les comportements sexistes dans la fonction publique : il reste du chemin à faire pour passer des déclarations d’intentions aux actes…

Face au sexisme, la fonction publique se cherche encore

Si l’administration ne reste pas immobile face aux phénomènes de violences sexistes dans l’environnement de travail, elle tâtonne encore. Au-delà des plates-formes de signalement et des dispositifs de formation, le recueil et le traitement de la parole des victimes reste une problématique de taille.

C’est au lendemain de la Journée internationale des droits des femmes, le 9 mars, que la Cour des comptes a choisi d’organiser un colloque autour du sexisme dans la fonction publique et des leviers à actionner pour lutter contre ce phénomène. Un événement qui a été accueilli comme très signifiant pour la cause. “Le fait qu’une maison comme la Cour des comptes s’empare de manière appuyée du sujet est un signal fort”, a notamment estimé la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, elle-même issue de la Cour des comptes.

C’est dans le cadre feutré de la Grand ’chambre de l’institution de la Rue Cambon que se sont tenus les débats. “Si l’arsenal législatif est aujourd’hui convaincant, les stéréotypes sexistes restent ancrés", a déclaré le Premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, en ouverture des échanges. "Le rapport du Haut Conseil à l’égalité (HCE) sur l’état du sexisme en France a fait l’effet d’une douche froide. Il nous a montré que non seulement le sexisme ne recule pas, mais que ses formes violentes s’aggravent.

Une occasion également pour Pierre Moscovici de rappeler que la question de la lutte contre le sexisme dans la fonction publique participe d’un enjeu de qualité de vie au travail, mais aussi d’exemplarité et d’attractivité. Le Premier président a également expliqué que si les juridictions financières sont globalement paritaires, avec 51 % de personnels féminins, quand on se penche sur les postes d’encadrement, les femmes sont très nettement sous-représentées. “Chez les conseillers maîtres, on ne trouve guère plus de 20 % de femmes”, a-t-il insisté.

Un sujet sur lequel la Cour des comptes réaffirme son engagement avec, notamment, le lancement d’un processus de labellisation “égalité professionnelle” en partenariat avec l’Afnor. Concernant les leviers à actionner, Pierre Moscovici a insisté sur l’efficacité des regards croisés et des bonnes pratiques. “Avec les plates-formes de signalement, la parole se libère, mais il faut ensuite traiter des situations difficiles. Nous avons pour cela besoin d’outils et de guides d’action", a-t-il estimé. "Actuellement, je consacre environ 5 % de mon temps à travailler sur ces problématiques, qui nécessitent de la fermeté.” Un préambule chaleureusement salué par la salle.

Mais face à ce constat, la réponse de la présidente du Haut Conseil à l’égalité (HCE), Sylvie Pierre-Brossolette, a été sans concession, estimant que la tâche du Premier président en matière de lutte contre le sexisme ne serait achevée que lorsqu’une femme occupera son poste. 

Sur les questions d’égalité professionnelle et de lutte contre le sexisme, Nathalie Colin, directrice générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP) a, pour sa part, affirmé être pleinement mobilisée, estimant également que l’enjeu se situait autant au niveau de l’exemplarité de l’État que de l’attractivité de la fonction publique. “On l’oublie parfois, mais la fonction publique est le premier employeur de France avec 63 % de femmes", a rappelé la directrice. C’est un sujet sur lequel il est très facile de tenir de grands discours, mais beaucoup plus difficile de passer à l’acte.

Attractivité et qualité de vie au travail

L’occasion également pour Nathalie Colin de faire le point sur les différents dispositifs de signalement mis en place dans la fonction publique. “Une bonne façon d’appréhender la question, d’identifier les atteintes, les comportements sexistes et violents et pouvoir les sanctionner”, a-t-elle estimé. Si aujourd’hui, l’ensemble des employeurs publics sont tenus d’avoir mis en place de tels dispositifs, ce n’est pas encore le cas dans la réalité. Dans la fonction publique d’État, tous les ministères sont dotés d’une plate-forme de signalement depuis 2021. “C’est un peu moins vrai dans la territoriale", a regretté la DRH de l’État. Un bilan est en cours, mais je crains que ce soit moins étendu.” Dans l’hospitalière, sur 280 établissements de santé ou médico-sociaux, 65 % ont mis en place un dispositif de signalement. “Il faut avouer qu’ils ont été sollicités par d’autres sujets ces deux dernières années, au moment de la crise sanitaire”, a tenu à nuancer Nathalie Colin.

La question qui concerne aujourd’hui la majorité des employeurs publics est de savoir comment traiter les informations recueillies sur les plates-formes de signalement. En 2021, 750 saisines ont été recensées dans les ministères pour un total de 2,5 millions de fonctionnaires. “Un résultat qui mérite d’être interrogé", a insisté Nathalie Colin. Il y a probablement encore de nombreuses situations qui ne donnent pas lieu à des signalements, par peur des conséquences et aussi parce qu’on estime que ce n’est pas utile.

Au-delà des saisines, en 2021, 126 procédures disciplinaires ont été comptabilisées. “Il faut que les faits soient étayés et constitutifs d’une faute pour susciter le lancement d’une procédure disciplinaire", a rappelé la DGAFP, "mais il est important de dire que l’employeur public ne tremble pas devant ces procédures.” Pour aider les employeurs à se saisir efficacement de la lutte contre le sexisme dans l’environnement de travail, la direction générale a publié un guide sur lequel, “il ne faut pas avoir trop d’autosatisfaction", a jugé Nathalie Colin. S’il est important de donner des outils aux ministères, cela présente tout de même des limites. Il y a aussi un travail d’animation interministérielle à mener sur ces questions.

Dépasser la simple sensibilisation

La direction générale de l’administration et de la fonction publique a également travaillé au déploiement de formations initiale et continue à travers un référentiel commun pour tous les agents publics, mais aussi pour les élèves du Réseau des écoles de service public (Resp). Les services de ressources humaines ont aussi été formés, notamment sur la prise en charge des procédures, le suivi des sanctions ou encore les actions de prévention.

Mais au final, le constat est sans appel : “Il s’agit plutôt d’actions de sensibilisation, il faut être modeste sur le sujet”, a estimé Nathalie Colin. Une difficulté semble persister : la question de savoir comment mesurer les effets de ces actions sur les comportements quotidiens pour véritablement passer des paroles aux actes. (sic)

Par Marie Malaterre, acteurspublics.fr le 13 mars 2023