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En cas de refus de mutation pour rapprochement de conjoint, une indemnisation sous conditions pour les fonctionnaires

Dans le cadre d’un mouvement de mutation, l’administration doit prioritairement examiner les demandes formulées par les fonctionnaires qui réclament un rapprochement de conjoint. S’ils sont privés de ce droit, les fonctionnaires peuvent être indemnisés mais uniquement “dans l’hypothèse où celui-ci aurait perdu une chance sérieuse d’être affecté selon ses vœux”, explique la Cour administrative d’appel de Bordeaux dans un arrêt du 6 juin.

L’administration, saisie d’une demande de mutation par un fonctionnaire pour rapprochement de conjoint, doit examiner prioritairement cette demande. Sans quoi sa responsabilité peut être engagée et donner lieu à “réparation” des préjudices subis par ledit fonctionnaire. C’est ce que vient d’indiquer la cour administrative d’appel de Bordeaux dans un arrêt du 6 juin.

Les juges d’appel avaient été saisis par un ex-directeur de service du ministère de l’Intérieur, détaché sur le poste de directeur régional adjoint des affaires culturelles (Drac) d’Aquitaine à compter du 1er juin 2014. Après la réorganisation des emplois de direction de l’administration territoriale de l’État – consécutive à la création des nouvelles régions –, l’intéressé avait sollicité sa mutation sur un poste vacant. Mais en l’absence de poste vacant à Nantes, où résidaient son épouse et sa fille, il avait soumis sa candidature au poste de chef de pôle “Création et industries culturelles”, basé à Poitiers. Sa candidature retenue, il avait été nommé à ce poste.

Le 20 janvier suivant, le fonctionnaire avait postulé pour l’emploi de directeur adjoint des affaires culturelles de la région Pays de la Loire, déclaré vacant. Une candidature rejetée par le ministère de la Culture. Mais par un jugement de juin 2018, le tribunal administratif de Poitiers a annulé cette décision de l’administration pour défaut d’examen du caractère prioritaire de sa situation familiale. Aussi, à la suite de ce jugement, le fonctionnaire requérant a-t-il adressé une réclamation préalable indemnitaire au ministère de la Culture tendant à la condamnation de l’État à lui verser la somme de 49 736,11 euros en réparation des préjudices qu’il estimait avoir subis en raison de son refus de mutation. Une demande elle aussi rejetée par l’administration, à tort, selon la cour administrative d’appel de Bordeaux.

Priorité aux fonctionnaires séparés de leur famille
Dans leur arrêt, les juges reviennent en effet sur les dispositions statutaires relatives aux droits dont bénéficient les fonctionnaires dans le cadre de mouvements de mutation. “Dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service, les affectations prononcées doivent tenir compte des demandes formulées par les intéressés et de leur situation de famille”, rappellent ainsi les textes. Surtout, la “priorité est donnée aux fonctionnaires séparés de leur conjoint pour des raisons professionnelles”.

La cour le confirme donc : “Il résulte de ces dispositions que lorsque, dans le cadre d’un mouvement de mutation, un poste a été déclaré vacant, alors que des agents se sont portés candidats dans le cadre de ce mouvement, l’administration doit procéder à la comparaison des candidatures dont elle est saisie en fonction, d’une part, de l’intérêt du service et, d’autre part, si celle-ci est invoquée, de la situation de famille des intéressés, appréciée compte tenu des priorités fixées (par les textes).”

Pour les juges, le requérant était ainsi fondé à soutenir que l’État avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en rejetant sa candidature en vue d’une mutation pour rapprochement de conjoint sur le poste de directeur adjoint des affaires culturelles de la région Pays de la Loire et en nommant un autre agent sur ce poste. Et ce, donc, en raison du non-examen prioritaire de sa demande de mutation.

Perte d’une chance sérieuse d’être nommé
Mais le droit à bénéficier d’un examen prioritaire de sa demande de mutation “n’est susceptible d’entraîner l’indemnisation du fonctionnaire qui a été privé de ce droit que dans l’hypothèse où celui-ci aurait perdu une chance sérieuse d’être affecté selon ses vœux”, temporise la cour.

Selon les juges, le ministère de la Culture aurait dû donner suite à la demande de mutation du requérant pour rapprochement de conjoint : “Eu égard aux mérites respectifs des deux candidats pour occuper le poste de directeur adjoint des affaires culturelles de la région Pays de la Loire, développent-ils, et compte tenu, en particulier, de l’expérience de (l’intéressé) sur (un précédent poste) de directeur adjoint des affaires culturelles de la région Aquitaine, ainsi que des appréciations favorables de son administration sur sa manière de servir, le requérant aurait eu une chance sérieuse d’être nommé sur ce poste si sa candidature avait été examinée en tenant compte de sa priorité familiale.”

Aussi, pour la cour, le fonctionnaire était-il également fondé à solliciter l’indemnisation des préjudices consécutifs au défaut d’examen du caractère prioritaire de sa situation familiale. Dans leur arrêt, les juges condamnent donc l’État à verser au requérant la somme de 23 742 euros correspondant à l’indemnisation de ses frais de transport pour rejoindre sa famille, de ses frais de double résidence, de ses frais d’installation mais aussi pour son préjudice moral et les troubles occasionnés dans “ses conditions d’existence”.

PAR BASTIEN SCORDIA
12 juin 2023
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