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Liberté d’expression du fonctionnaire dans le cadre du militantisme - Jurisprudence

L’administration peut sanctionner un syndicaliste
pour des propos fautifs, mais pas le révoquer

Le tribunal administratif de Versailles vient d’annuler la révocation du secrétaire général du syndicat Vigi, à qui il était reproché d’avoir mis en ligne un tract mettant en cause le directeur général de la police nationale (DGPN) et le ministre de l’Intérieur.

Comme l’ensemble des représentants du personnel, les syndicalistes de la fonction publique bénéficient d’une liberté d’expression renforcée. Aussi leurs sanctions disciplinaires doivent-elles être proportionnées à leur qualité de syndicaliste. C’est ce qui vient de considérer le tribunal administratif de Versailles dans un jugement du 2 février par lequel il a annulé la révocation d’Alexandre Langlois, secrétaire général du syndicat Vigi-Ministère de l’Intérieur et gardien de la paix affecté dans les Yvelines.

Il lui était reproché d’avoir, en janvier 2020, mis en ligne sur le site Internet de son syndicat puis diffusé sur les réseaux sociaux un tract mettant en cause le directeur général de la police nationale (DGPN) d’alors (Éric Morvan) et le ministre de l’Intérieur de l’époque, Christophe Castaner. Ce tract mettait notamment sur le compte du DGPN plus de 110 suicides de policiers, une fraude “massive” aux élections professionnelles, mais aussi le fait d’avoir soutenu un “médecin agresseur sexuel” ou encore la falsification des chiffres de la délinquance. Alexandre Langlois mettait également en cause de manière nominative le ministre de l’Intérieur et le préfet de police.

À la suite de la publication de ce tract, des poursuites disciplinaires avaient été engagées par la Place Beauvau à l’encontre du syndicaliste “en sa qualité de responsable des publications” de son syndicat. À l’issue de ces poursuites, en mars 2021, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, avait décidé de révoquer l’intéressé de ses fonctions de gardien de la paix. Et ce au motif qu’il aurait, “par cette publication, sciemment outrepassé les limites de la liberté d’expression syndicale, manqué à son devoir d’exemplarité, de réserve et de loyauté et porté atteinte à l’image de la police nationale”. Une sanction qu’Alexandre Langlois a donc décidé de contester devant la justice, ce pour quoi le tribunal administratif de Versailles lui donne aujourd’hui raison. 

La liberté d’expression renforcée atténue la gravité de la faute

Certes, les juges ont retenu que le tract en litige “dépassait, par son caractère virulent et polémique, les limites de la liberté d’expression particulière dont bénéficient les organisations syndicales de la fonction publique”, et ce “quand bien même ces limites sont moins strictes que celles s’imposant aux fonctionnaires eux-mêmes…” Dans son jugement, le tribunal considère également que cette publication “jetait le discrédit sur le ministre de l’Intérieur et l’institution qu’il représente et portait ainsi atteinte au bon fonctionnement du service en remettant en cause la confiance que les agents de la police nationale peuvent avoir en ses responsables les plus éminents”. Pour les juges, les faits reprochés au syndicaliste étaient donc “bien fautifs et justifiaient le prononcé d’une sanction disciplinaire”. 

Néanmoins, a jugé le tribunal, Alexandre Langlois bénéficiait, en sa qualité de représentant syndical, “d’une liberté d’expression renforcée de nature à atténuer la gravité de la faute commise”. Aussi, poursuivent les juges, la sanction de révocation, “qui constitue la sanction la plus sévère qui puisse être infligée à un fonctionnaire, (…) était disproportionnée au regard des fautes commises” par le syndicaliste. D’où l’annulation de sa révocation. (sic)

Par Bastien Scordia, acteurspublics.fr le 14 février 2023