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La semaine de 4 jours "doit être réfléchie et encadrée afin d’éviter certains travers…" (sic)

Semaine de 4 jours dans la fonction publique :
une fausse bonne idée ?

"L’idée paraît séduisante par les effets positifs que la semaine de 4 jours génère sur le bien-être au travail", indique le juriste territorial Maxime Julienne dans cette tribune. "Toutefois, cette nouvelle organisation du temps de travail dans la fonction publique doit être réfléchie et encadrée afin d’éviter certains travers".

Gabriel Attal, ministre délégué aux Comptes publics a annoncé il y a quelques jours le lancement de l’expérimentation de la semaine de 4 jours au sein de l’Urssaf de Picardie. Ainsi, que les agents publics volontaires pourront concentrer leurs 35 heures hebdomadaires de travail sur 4 jours, au lieu de 5 initialement.

L’idée paraît séduisante, par les effets positifs que la semaine de 4 jours génère sur le bien-être au travail. En effet, la semaine de 4 jours permet de libérer une journée supplémentaire de temps libre au travailleur concerné. Celui-ci, délié de son employeur durant cette cinquième journée, peut donc vaquer librement à ses occupations sans perdre en rémunération. Il s’en trouve moins stressé, moins anxieux, moins fatigué. Son bien-être au travail augmente, sa santé mentale et physique s’améliore. Ce sont là les effets positifs qui ressortent de l’évaluation d’une grande expérimentation sur la semaine de 4 jours menée au Royaume-Uni, dont les résultats viennent d’être communiqués (1).

Et l’employeur n’est pas en reste. La productivité de son travailleur augmente. Son activité, concentrée sur 4 jours, ne laisse guère de place aux papillonnements et égarements dans les bureaux des collègues, encore moins à la machine à café. Ce dernier n’a d’autre choix que de concentrer ses tâches et de se montrer efficace et efficient sur 4 jours ("travailler mieux"). Il ne lui est plus possible de procrastiner et reporter sur le cinquième et dernier jour de sa semaine le traitement de dossiers peu inspirants. Au Royaume-Uni, il a également été constaté une baisse des démissions et des congés de maladie.

Conséquence logique de l’amélioration du bien-être au travail, l’employeur est gagnant : il évite le coût d’un nouveau recrutement ou d’un remplacement, et dispose de travailleurs plus motivés. Nous n’évoquerons pas la baisse des charges fixes (électricité, chauffage, etc.) induite par l‘inoccupation des locaux, ou de certains bureaux, une journée supplémentaire par semaine, qui profite là encore à l’employeur (2).

Toutefois, cette nouvelle organisation du temps de travail dans la fonction publique doit être réfléchie et encadrée afin d’éviter certains travers. D’une part, la mise en place de la semaine de 4 jours suppose de mener au préalable un audit organisationnel, afin d’avoir une vision claire et précise des temps de travail à l’œuvre au sein de l’administration concernée. L’objectif poursuivi est d’équilibrer au mieux, par la suite, les missions exercées par les agents, et le temps qu’ils y consacrent, avec la nouvelle organisation du temps de travail sur 4 jours. Toute surcharge, ou sous-charge, des intéressés auraient inéluctablement des effets contre-productifs.

Prenons l’exemple fictif d’un agent public de l’État surchargé dans ses fonctions, victime des réformes successives et de la baisse des effectifs à missions constantes. Ce dernier travaille 43 heures par semaine en moyenne sur 5 jours. Il est rémunéré à hauteur de 35 heures et assure ainsi ses missions gracieusement durant son cinquième jour de travail. Cet agent surchargé ne peut pas raisonnablement exercer ses missions, à périmètre constant, sur une période réduite à 4 jours…

Sauf à admettre qu’ils doivent réinjecter 8 heures de travail sur les 4 premiers jours de sa semaine, soit une hausse de son temps de travail quotidien de 2 heures (s’élevant à 10 heures 45 si vous suivez bien). Dans ce cas précis, le risque est grand d’accroître le mal-être au travail de cet agent par une charge disproportionnée et d’essuyer assez rapidement un arrêt de travail.
C’est pourquoi la question du calibrage de son poste se pose avec acuité, avant tout basculement sur une semaine de 4 jours.

D’autre part et plus largement, la semaine de 4 jours bouleverse profondément le collectif de travail. Cette organisation du temps de travail entre en confrontation avec certains grands principes du service public et du droit de la fonction publique.

  • Comment ne pas porter atteinte au principe de continuité du service public, en admettant la fermeture de certains services publics une journée par semaine, alors même que le service public est un bien commun censé être à disposition des usagers et ne peut pas dépendre des seuls choix organisationnels internes de la personne publique (3) ?
  • Comment garantir l’égalité de traitement des agents publics de l’administration concernée, tandis que certaines activités sont difficilement réalisables sur quatre jours seulement (accueil, soins, etc.) sauf à se résoudre justement à fermer le service dans les plus petites structures ?
  • Dans la mesure où les congés annuels sont déterminés en fonction des obligations de service, comment faire accepter la baisse, même virtuelle, du nombre de jours de congés annuels concomitamment à la réduction des obligations de service lors du passage à la semaine de 4 jours ?

C’est notamment en ayant recours au dialogue social qu’il convient de trouver des réponses à ces questions. Rappelons-le, le dialogue social est une priorité à développer dans le cadre du Plan santé au travail dans la fonction publique (4), au côté notamment de l’axe "favoriser la qualité de vie et des conditions de travail". L’approche volontariste de la démarche menée par l’employeur constitue un élément fondamental de nature à faciliter les discussions à venir. Cette organisation du temps de travail sur 4 jours doit néanmoins rester une faculté pour les collectivités territoriales, sauf à porter résolument atteinte à leur libre-administration (5).

Au demeurant, il convient d’être particulièrement vigilant sur la façon de communiquer autour de cette semaine de 4 jours dans la fonction publique. Si, par ses effets, elle peut améliorer les conditions de travail et constituer un avantage concurrentiel renforçant l’attractivité de l’employeur public qui l’adopte, il semble délicat de communiquer exclusivement sur "travailler moins" pour attirer de nouveaux candidats aux fonctions publiques, sauf à alimenter copieusement un "fonctionnaire bashing" endémique.

Pour conclure avec un espoir – malgré les quelques difficultés précédemment avancées –, faisons le vœu pieux que cette semaine de 4 jours soit l’occasion, par la liberté qu’elle confère de disposer d’une journée de liberté supplémentaire, de rééquilibrer et redessiner les rôles des femmes et des hommes dans la société, de relancer l’engagement associatif, de renforcer les solidarités intergénérationnelles, etc., pour tout simplement refaire société. (sic)

Par Maxime JULIENNE, acteurspublics.fr le 23 février 2023